Page:Revue de Paris, 40è année, Tome IV, Juil-Août 1933.djvu/463

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cain de 1848. Ces hommes de métier ont institué une manière de franc-maçonnerie du vers, un honneur poétique éclatant. Décorateurs, inquiets, baudelairiens, funambules banvilliens, ou penseurs sullistes, voire Prudhommes, groupes de l’Arsenal ou de Montrouge, tout cela distribuait sur le vieux Parnasse des figures aussi contrastées, des natures aussi complémentaires, que les neiges d’été, les rochers, les forêts, les champs de fleurs et ceux de pommes de terre. Grandis dans l’atmosphère du second Empire et de la Revanche, ce n’est pas un hasard si tous ces poètes nous laissent une image de beaux, braves et probes officiers en retraite. Ils ont servi !

les derniers romantiques

Même sans le sursis que lui conférèrent la longévité et la vigueur de travail de Victor Hugo, le courant romantique eût persisté à travers le Parnasse et le symbolisme. Une force poétique qui a bouleversé une époque, comme l’a fait le romantisme, ne s’éteint pas en une génération. Le drame romantique a duré jusqu’aux premières années du XXe siècle. Quant à la température poétique et aux fruits lyriques du romantisme, deux poètes, appartenant à deux générations successives, les ont représentés sous la République Jean Richepin et madame de Noailles.

Il y a cent ans, deux héros de la soirée d’Hernani étaient un beau jeune homme brun en gilet rouge, Théophile Gautier, à l’amphithéâtre, et une belle jeune fille blonde, en bleu, Delphine Gay, dans une loge où, à côté de sa mère, elle figurait Éloa, l’ange même du romantisme. Tous deux portent déjà sur leur visage les vers qu’ils écriront demain, l’un :

Je suis jeune, le sang dans mes veines abonde,
Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu,
Et sans gravier ni toux, ma poitrine profonde
Aspire à pleins poumons l’air libre, l’air de Dieu !


l’autre :

Mon front était si fier de sa couronne blonde,
Anneaux d’or et de feu tant de fois caressés,
Et j’avais tant d’espoir quand j’entrais dans le monde,
Orgueilleuse et les yeux baissés.