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LA REVUE DE PARIS

Ils s’acheminèrent, au flanc l’un de l’autre, vers la maison close. Stelio restait un peu en arrière pour regarder l’actrice, pour la voir s’avancer dans l’air mort. De son chaud regard, il embrassait la personne tout entière : la ligne des épaules déclinant avec une si noble grâce, la taille souple et libre sur les hanches fortes, les genoux qui se mouvaient légèrement parmi les plis de la robe, et ce pâle visage passionné, cette bouche de soif et d’éloquence, ce front beau comme un beau front viril, ces yeux qui s’allongeaient entre les cils, comme noyés par une larme qui sans cesse y monterait et se dissoudrait sans déborder, tout ce passionné visage de lumière et d’ombre, d’amour et de douleur, cette force fébrile, cette vie tremblante.

— Je t’aime, je t’aime ; toi seule me plais ; tout me plaît en toi ! — lui dit-il soudain, à voix basse, contre la joue, marchant si près d’elle qu’il la poussait presque, le bras passé sous son bras, incapable de supporter qu’elle fût reprise par cette peine, qu’elle souffrît de cette atroce admonition.

Elle tressaillit, s’arrêta, baissa les paupières, toute blanche.

— Mon ami ! — dit-elle, d’une voix si faible que les deux mots semblèrent modulés, non par ses lèvres, mais par le sourire de son âme.

Toute sa peine était devenue fluide, s’était changée en un seul flot de tendresse qui s’épanchait sur son ami éperdument. Une gratitude sans bornes lui inspira le besoin anxieux de trouver quelque grand don à lui offrir.

— Que puis-je faire, dis, que puis-je faire pour toi ?

Elle imagina une épreuve merveilleuse, un témoignage d’amour inouï et foudroyant. « Servir ! servir ! » Elle désira le monde pour lui.

— Que désires-tu, dis ? Que puis-je faire pour toi ?

— M’aimer, m’aimer.

— Pauvre ami, mon amour est triste !

— Il est parfait ; il comble ma vie.

— Tu es jeune, toi…

— Je t’aime.

— Il est juste que tu possèdes les forces qui te ressemblent…

— C’est toi qui chaque jour, exaltes ma force et mon espoir. Mon sang court plus vite quand je suis près de toi et