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LA REVUE DE PARIS

— Tu ne veux pas que nous entrions ?

Elle était perplexe. Mais le labyrinthe les attirait par son mystère, illuminé de cette flamme profonde.

— Et si nous allions nous perdre ?

— Tu vois qu’il est petit. Nous retrouverons facilement la porte.

— Et si nous ne la retrouvons pas ?

Il rit de cette crainte puérile.

— Nous resterons à tourner pendant toute l’éternité.

— Non, non. Il n’y a personne dans le voisinage. Allons-nous-en !

Elle essaya de le ramener en arrière ; mais il s’en défendit, recula dans le sentier, disparut tout à coup en riant.

— Stelio ! Stelio !

Elle ne le voyait plus ; mais elle entendait son rire sonner parmi l’enchevêtrement sauvage.

— Reviens ! Reviens !

— Non. Viens me chercher, toi !

— Reviens, Stelio ! Tu vas te perdre.

— Je trouverai Ariane.

À ce nom, elle sentit son cœur bondir, puis se serrer, palpiter confusément. N’était-ce pas ainsi que, le premier soir, il avait appelé Donatella ? Ne l’avait-il pas appelée Ariane, là-bas, sur l’eau, quand il était assis aux genoux de la jeune fille ? Elle se souvenait des paroles mêmes : « Ariane a un don divin par où son pouvoir dépasse toute limite… » Elle se souvenait de l’accent, de l’attitude, du regard.

Une angoisse tumultueuse la bouleversa, offusqua sa raison, l’empêcha de reconnaître dans les paroles de son ami un jeu du hasard, l’insouciance d’une gaieté spontanée. La terreur qui se cachait au fond de son amour désespéré s’insurgea, la maîtrisa, l’aveugla misérablement. Le petit fait accidentel prit un aspect de cruauté et de dérision. Elle entendait encore ce rire sonner parmi l’enchevêtrement sauvage.

— Stelio !

Dans une hallucination frénétique, elle cria comme si elle le voyait enlacé par l’autre, arraché de ses bras pour jamais.

— Stelio !