térature ancienne, se trouvait un certain Euloge Schneider, d’abord capucin à Cologne, puis grand-vicaire de l’évêque constitutionnel de Strasbourg, et très-savant éditeur d’un Anacréon allemand. Mon père me recommanda aux soins de M. l’abbé Schneider, qui les lui avait offerts, et j’allai à Strasbourg apprendre du grec sous les auspices d’un grand-vicaire qui avait traduit et commenté Anacréon. L’effroyable célébrité que Schneider a acquise depuis, et la tragédie peu connue à laquelle aboutit la voie de sang qu’il s’était faite, m’ont paru propres à exciter quelque curiosité, et à racheter par un intérêt assez vif quelques pages d’ennui préliminaire.
M. l’abbé Schneider ne pouvait pas me donner un logement chez lui, mais il m’avait fait préparer une chambre propre et commode à l’hôtel de la Lanterne, chez une excellente madame Tesch, dont j’aime à me rappeler le nom et le souvenir. C’est la première femme qui m’ait fait concevoir le charme que l’expression d’une âme aimante et d’un bon cœur peut prêter à une jolie figure.
J’étais arrivé de nuit. La plus grande ville que je connusse alors était ma ville natale. Dès le point du jour, tourmenté d’une impatience invincible, je parcourais les rues solitaires, étonné de tout, admirant tout, et frappé surtout d’une sorte d’extase devant cette magnifique cathédrale que le monde ancien aurait comptée parmi ses merveilles. Je n’avais rien vu de pareil en ma vie à ce chœur d’anges et de saints qui l’embrassait de myriades de figures, et qui semblait s’élever avec elle aux faîtes de la Jérusalem céleste, en perçant les riches broderies et les dentelles transparentes de sa miraculeuse architecture. Je fus tiré de ma méditation par le bruit d’un coup de marteau, et je vis rouler à mes pieds la tête d’un saint. Un autre coup retentit, et, ce qui tomba, c’était le buste de la Vierge embrassant son fils. Je cherchai d’où venait cela, et j’aperçus un homme juché au portail sur les épaules d’un apôtre colossal, et frappant à droite et à gauche avec des imprécations épouvantables sur ces représentations gothiques des élus du Seigneur. Le peuple s’était amassé peu à peu en groupes agités, d’où partaient des rires éclatans, de sombres vociférations et de sourds murmures. Je fus long--