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DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

maison fut surveillée toute la nuit, mais personne n’avait pensé à s’en éloigner, et quand il arriva le matin, il la trouva pavoisée du haut en bas, et présentant tout l’aspect d’une fête. La future en descendit dans ses plus beaux atours, et vint lui présenter la main sur le seuil de cette salle basse où l’on prend ordinairement le thé ou le café. Un déjeuner splendide y était servi. Bien qu’étourdi de bonheur et d’orgueil, Schneider ne pensait qu’à l’abréger. Les portes de Strasbourg se fermaient alors à trois heures, et le temps pressait. Il devait d’ailleurs le mettre à profit pour répondre par de grandes marques d’éclat et de puissances aux profusions de sa nouvelle famille et aux prétentions de sa fiancée. Un courrier fut dépêché à Strasbourg pour intimer la défense de fermer les portes avant quatre heures. Il est vrai que l’ennemi se retirait alors, et que Strasbourg n’était plus menacé, mais les arrêtés de Saint-Just, qui avaient eu force de loi pendant l’invasion austro-prussienne, n’étaient point révoqués, et il en était un qui portait peine de mort pour délai de clôture. Schneider lui-même l’avait fait exécuter.

Il était au plus trois heures et demie le 21 décembre, quand un cortège bruyant se répandit dans la plus vaste rue de Strasbourg, et vint s’arrêter au-dessous du balcon de Saint-Just, Il y eut alors deux spectacles qui pouvaient partager à titres égaux l’attention de l’observateur, ce théâtre où se dénouait le drame de Brumpt, et cette tribune où il allait se juger.

Schneider s’était fait précéder de quatre coureurs, revêtus des couleurs nationales. Sa voiture découverte, quoique le temps fût douteux, était traînée par six beaux chevaux. Il l’occupait seul avec sa fiancée, éblouissante de parure, et assurée de regard et de maintien. Autour de lui caracolaient fièrement, et le sabre nu, les cavaliers d’élite de son escorte, portant la tête de mort sur leur baudrier, sur leur sabretache et sur leur schako, et plus hideux encore que de coutume, d’une gaîté qui ne leur était pas familière. Derrière tout cela retentissait lourdement sur le pavé un char à quatre larges roues, bas, étroit, peint de rouge, traîné par deux chevaux chamarrés et enrubannés, et sur lequel battaient de longs ais roulans avec leur traverse rouge. Cet appareil était accompagné de