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LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

d’épreuves d’où nous passons dans un monde inconnu, dont l’imperfection de nos sens ne nous permet pas d’apercevoir les formes et les habitans.

Toutes les sectes chrétiennes croient qu’il fut un temps où la puissance divine se manifestait plus visiblement sur la terre que dans les siècles modernes, et y suspendait ou altérait les lois ordinaires de l’univers ; l’Église catholique romaine maintient encore comme un article de foi que les miracles peuvent se continuer de nos jours. Sans entrer dans cette controverse, il suffit de remarquer qu’une ferme croyance dans les grandes vérités du christianisme a conduit des hommes supérieurs, même dans les pays protestans, à partager l’opinion du docteur Johnson[1], qui, au sujet des apparitions surnaturelles, prétend que ceux qui les nient avec les lèvres, les attestent par leur peur.

La plupart des philosophes n’ont eu, pour combattre les apparitions, qu’une évidence négative ; cependant, depuis le temps des miracles, nous voyons que le nombre des événemens surnaturels diminue de plus en plus, et que le nombre des personnes crédules suit la même progression descendante : il n’en est pas ainsi dans les âges primitifs, et quoique aujourd’hui le mot de roman soit synonyme de fiction, comme dans l’origine il signifiait un poème ou un ouvrage en prose, composés en langue romane, il est certain que les chevaliers grossiers à qui s’adressaient les chants du ménestrel, croyaient ces récits des exploits de la chevalerie, mêlés de magie et d’interventions surnaturelles, aussi véridiques que les légendes des moines avec lesquelles ils avaient une grande ressemblance. Avec un auditoire plein de foi, lorsque tous les rangs de la société étaient enveloppés dans le même nuage d’ignorance, l’auteur n’avait guère besoin de choisir les matériaux et les ornemens de sa fiction ; mais avec le progrès général des lumières, l’art de la composition devint chose plus importante. Pour captiver l’attention de la classe plus instruite, il fallut quelque chose de mieux que ces fables simples et naïves

  1. On the supernatural in the fictitious composition. ( F. Q. R.)