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REVUE DE PARIS

sont mon enseigne, quelquefois vos récits sont si diablement sucrés et uromaiisés, qu’on ne sent que les épiées, et pas autre chose… Mais, silence, je vous écoute.

— Après vous avoir raconté comment moi et mon jeune monsieur Bart avons été embarqués à bord de M. l’amiral de Ruyter, je vous ai parlé, je crois, mon cher hôte, de cet épouvantable et furieux orage du 3 août, qui vint la nuit en compagnie d’un grain du nord-nord-est nous surprendre à l’ancre entre le sud Foreland (1) et les Bancs de Flandre (2). Jamais, non, jamais, de mémoire de marin, on ne vit si terrible et si monstrueux tonnerre… et, pour être véridique…

A ce mot, pour être véridiciue, myn-heer Hoën, mu par un secret pressentiment, chercha son couteau dans sa poche, et le saisit fortement par le manche, tout prêt à en frapper la table… mais pourtant sans le montrer.

— Et pour être véridique, — continua donc Sauret, — je vous dirai que les éclairs étaient si nombreux et si formidables, que, m’éveillant, je dis à un matelot… Min Dieu ! que le soleil est déjà haut… Mais c’était peu que les éclairs. Il advint par la chute du tonnerre que le grand mât du vaisseau l’Oostergo fut fendu en de si innombrables et si menues parcelles, que depuis on s’en sert à bord pour allumer les fanaux, au lieu d’employer à cet usage les petits paquets de genêt destinés à cela…

Ici, myn-heer Hoën tira son couteau, et fit trembler la table sous les coups réitérés qu’il frappa…

Sauret ne dit rien, rougit, se mordit les lèvres, et continua : — Quand le grain fut passé, nous remimes à la voile faisant l’est-quartnord, en ralliant les navires que l’orage avait séparés de nous, de sorte que notre flotte se composait alors de cent dix-sept voiles, sans compter les petits bàtimens portant les munitions. Ce fut alors que pour la première fois nous vîmes, c’est-à-dire, ceux du pont virent l’armée anglaise ;

(i) Il y a deux Foreland, l’un du nord, l’autre dusud ; les dunes sont comprises entre ces deux caps, dans un canal formé par la ferre et ! e banc de Godw’in. Le nord Foreland termine au nord-est l’île de Thanel, située à la pointe N.-E. du comté de Kent ; c’tst également la limite au sud de la rivière de la Tamise, c’est-à-dire que le nord Foreland forme la pointe du sud de son embouchure. Le sud Foreland est par Si » 8’21 « N., et o » 57’54" à l’ouest de Paris.

(i) Bancs de Flandre ou flamamis. Ce sont ces amas de sable qui s’étendent depuis le Pas-de-Calais jusqu’à l’île de Walcheren. Le nom des principaux sont ; la Perche française, la Perche anglaise, le Banc de Dedans, le Bacr et les Hases.