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LE NEZ ROUGE.
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Dryden a défini l’âme, « une petite flamme bleue qui va et vient en nous. » — Je ne sais pas de meilleure explication de ce souffle divin qui nous anime. Ce qui rend cette pensée plus belle, c’est qu’on lui peut donner un double emploi et l’appliquer également à l’amour ! Si l’amour n’est pas en effet une petite flamme bleue qui va et vient en nous, qu’est-ce, je vous prie, que l’amour ?

Mais ne creusons pas ces définitions subtiles. À quoi bon analyser le sentiment ? Peu d’entre ceux qui l’ont éprouvé ont découvert ses causes. Tous ont ressenti ses effets. Le biographe, le critique, le mathématicien, le géologue, l’historien et le naturaliste, accoutumés qu’ils sont à disséquer les faits et les choses et à pénétrer leurs secrets, ont docilement subi le joug de la passion sans lui demander compte de son autorité. Le monarque aux pieds de sa maîtresse ne va point songer qu’en s’agenouillant, il abaisse sa majesté, ni chercher pourquoi il prosterne ainsi sa grandeur. Le ministre qui fuit la cour et court aux champs cacher ses soupirs, n’interroge point le pouvoir invisible qui lui fait négliger le soin de son ambition. Il n’y a pas jusqu’à la rubiconde marchande de poissons, qui toute au souvenir de son amant le matelot, quand elle s’enivre de l’ambroisie du gin, et boit verre sur verre, ne reconnaisse elle-même à son insu la souveraineté de l’aveugle dieu ; se doute-t-elle seulement alors que c’est sa fièvre amoureuse qui lui donne cette soif inextinguible qu’elle ne comprend pas ?

Maria Hargrave était l’une des filles du vicaire de la paroisse de Kensington près de Londres. Elle avait des dents d’ivoire et des