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REVUE DE PARIS

on ne savait rien de Tonino, pas même s’il existait ; qu’il n’avait pns, depuis ce temps, aucune nourriture, et qu’il avait défendu que sous quelque prétexte que ce fût, on le dérangeât dans sa solitude. De plus en plus tourmenté d’un noir pressentiment, Annibal n’osa pas prendre sur lui de rompre la consigne ; mais s’approchant sans bruit de la porte du boudoir, il regarda avec un affreux serrement de cœur à travers les fentes de la porte. Il fut long-temps avant de rien découvrir ; enfin, dans un coin de la salle, il aperçut Liona dans l’attitude que nous avons décrite, ayant l’air de dormir, et belle de cette beauté sereine et reposée qu’une mort violente, mais prompte et sans convulsions, communique quelquefois à nos traits. Devant elle était Tonino vivant et fort vivant, car un chevalet dressé devant lui, et la palette à la main, il s’occupait avec une incroyable ardeur à transporter sur la toile les traits de sa Liona, et à éterniser le dernier adieu qu’elle allait lui laisser. À cette vue, un poids affreux fut ôté de la poitrine d’Annibal, et s’loignant sans bruit comme il était venu : Ne craignez rien, dit-il en s’en allant aux domestiques qui s’empressaient de l’interroger, il ne se tuera pas…

Un peu plus d’un an après, Tonino était marié à la fille du riche Guidotti. Liona avait, dans le cimetière de la ville un magnifique tombeau ; mais la femme de Tonino lui défendait de le visiter

Rosseeuw Saint-Hilaire.