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et les cérémonies qu’il rapporte ressemblent beaucoup plus à celles qui ont lieu de nos jours qu’aux coutumes du temps où il a placé son récit. »

Le dicton vulgaire « des goûts et des couleurs il ne faut pas disputer, » nous oblige, je pense, à écouter patiemment tous les divers jugemens qu’il plaît aux hommes de prononcer ; mais, malgré cela, je ne puis m’empêcher de trouver étrange qu’il y ait un homme qui, après avoir mis en regard sir Walter Scott et Victor Hugo, puisse accorder la palme à l’auteur de Notre-Dame de Paris !

Si les défauts des écrivains de cette école n’étaient que littéraires, il y aurait, je pense, peu de personnes qui voulussent prendre la peine de les critiquer, et leurs absurdités finiraient par mourir de leur belle mort aussitôt qu’elles auraient subi l’épreuve de la publicité ; mais des ouvrages du genre de ceux de Victor Hugo sont de nature à faire le plus grand tort à l’humanité. Ils voudraient nous enseigner à croire que nos affections les plus pures et les plus douces ne peuvent nous conduire qu’au crime et à l’infamie. Je ne crois pas que, dans tout ce qu’il a écrit, on rencontre une seule pensée honnête, innocente et sainte. Le péché est la muse qu’il invoque ; l’horreur accompagne ses pas ; des milliers de monstres lui servent de cortège et lui fournissent les originaux des portraits dégoûtans qu’il passe sa vie à tracer.

Pensez-vous qu’il puisse y avoir une plus grande preuve d’un esprit malade, dans la partie décousue du monde, que de lui voir non-seulement admirer les plus hideuses extravagances, mais encore croire, ou du moins dire, que l’auteur qui les écrit est un nouveau Shakspeare !… Un Shakspeare ! Pour châtier comme il le mérite un écrivain qui semble porter un défi au genre humain par les libelles qu’il publie contre la race tout entière, il faudrait une arme plus forte et plus acérée que celle dont la main d’une femme est en état de se servir ; mais quand on le compare à Shakspeare, je sens qu’il est de notre devoir de prendre la parole. Combien les femmes ne lui doivent-elles pas de reconnaissance et d’amour ! Nul homme, avant ni après lui, n’a mieux pénétré jusqu’au fond de leur cœur, lui qui les a peintes alternativement sous les traits de Portia, de Juliette, de Constance, d’Hermione, de Cordélia, de Volumnia, d’Isabelle, de Desdemone, d’Imogène.

Voyons après cela ce que nous devons à notre peintre moderne. Quelles sont ses héroïnes ? Lucrèce Borgia, Marion Delorme, Blanche, Maguelonne, la Tisbé et sa rivale Catarina, l’épouse-modèle, avec je ne sais combien d’autres de la même espèce, sans compter son héroïne