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REVUE DE PARIS

de Massillon, du grand Rousseau lui-même ! c’est que les passions, mêlant ensemble erreurs, injures, blasphèmes, peuvent rayer leur ame en tous sens, effacer sur le vierge métal le verbe qui y était inscrit ; mais qu’un jour ils se trouvent en face de la nature, du monde, de leur pensée, qu’ils gravissent la colline, qu’ils se promènent aux bords de la mer, et le psaume éclatant et l’hymne aux chants vainqueurs, l’hymne de la nature et de l’humanité, s’échappe de leur sein, se répand sur la foule éblouie, inondant d’une égale lumière leurs ennemis et leurs admirateurs.


Oh ! c’est un beau triomphe à votre loi sublime,
Seigneur, pour vos regards dout le feu nous ranime….
Qu’une chose en passant par l’impie avilie
Qui, dès que voire esprit la touche, se délie.
Et, sans même songer à son indigne affront,
Chante, l’amour au cœur et le blasphème au front

Nous avons parcouru les trois phases poétiques qui se déroulent dans les Chants du crépuscule. L’une aboutit à la glorification à peu près impartiale des partis politiques envisagés sous leur plus beau côté : Juillet, Napoléon II, Madame, le jeune duc d’Orléans ; la seconde, à un amour violent et passionné que nous ne comprenons pas plus que nous ne voulons nous y arrêter ; le troisième, au doute ! Ce sont les trois rayons qui ont tour à tour brillé dans les Odes, les Orientales, les Feuilles d’automne, réunis, confondus, agrandis.

Nous avons dit que la forme des Chants du crépuscule se rapprochait singulièrement de la coupe de vers des Orientales ; ceci nous amène naturellement à examiner en elle-même la poésie de M. Hugo. « L’insouciance et la profusion qui donnent une allure si particulière aux larges périodes de notre poète, dit Joseph Delorme, cette foule de participes présens quittés et repris, ces phrases incidentes jetées adverbialement, ces éuumérations sans fin qui passent flot à flot, ces si, ces quand éternellement reproduits rouvrent coup sur coup des sources imprévues, ces comparaisons jaillissantes qu’on voit à chaque instant éclore et se briser, comme un rayon aux cimes des vagues ; tout cela n’est-il donc rien pour caractériser une manière ? » Ajoutez les enjambemens et la richesse de la rime. Il serait difficile de mieux résumer toute l’économie du style de l’école romantique, et la poésie de M. Hugo en particulier. Tous ces défauts, toutes ces qualités, se retrouvent au plus haut degré dans le volume des Chants du crépuscule. Nous insisterons