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REVUE DE PARIS

comme j’ai raison de l’aimer. C’est que Julia, cette blonde fille frêle et svelte, a pour rivale une véritable Italienne, forte et noire, et que la fille blonde et svelie dép ; isse de beaucoup en passion la forte et noire amoureuse. Alors ce ronian prend pour moi un intérêt qu’il n’aurait pas eu sans cela. C’est celui de la lutte de l’amour par l’ame et de l’amour par les sens. Et voyez ce que c’est qu’un point de départ bien choisi. Julia, c’est la blonde, aime Lorenzo d’un amour chaste et grand, et Paquita, la brune, l’aime d’un amour forcené. Aussi, l’une se dévoue ame et corps au salut de son amant, dût-elle le perdre, et l’autre s’acharne à sa ruine, rien que pour le posséder. Si je ne me trompe, voilà le fonds moral du livre ; quant à son développement matériel, il m’a semblé conduit avec un véritable talent d’action et une rare tenue de caractères. Hàtons-nous d’expliquer cette phrase.

Julia, la fille du prince Cristinacci, vieillard hautain et rigide, et premier ministre de Ferdinand, Julia aime Lorenzo. Lorenzo est un bourgeois, un avocat, un humme dont le parti libéral attend l’influence et qui se refuse à la lui donner par respect pour sa vieille mère, qui mourrait du moindre danger de son fils. D’un autre côté, Julia est aimée par Fernando, neveu du duc de Chiaramonte, autre ministre disgracié du roi de Naples, et qui voit son influence lui échapper par la tranquillité même qui règne dans le royaume. Pour que Chiaramonte ressaisît son autorité sur le roi fainéant de Naples, il faudrait qu’il eût encore à combattre des conspirations, des émeutes réelles ou imaginaires. Chiaramonte, revenu tout puissant, pourrait servir la passion de son neveu Fernando ; il faut donc qu’il revienne tout puissant. Fernando lui en fournit le moyen. Un jour, dans une rue, assisté de plusieurs gentilshommes, il insulte Lorenzo, et après l’outrage il lui en refuse satisfaction. Le jeune avocat, ne pouvant se venger d’homme à homme, veut se venger de classe à classe ; il se joint aux partis des carbonari et médite une sanglante révolution. Mais ce n’est pas assez pour ce qu’il a souffert, car non-seulement il a été insullf’personnellement, mais sa mère, témoin de l’outrage qu’il a reçu, en est devemie folle. Lorenzo connaît l’amour de Fernando pour Julia, et sans savoir ce qu’il y a d’enivrant dans la voix et le regard de cette jeune fille, il lente de la séduire. Il la séduit, en effet, non parce qu’il l’a voulu, mais parce (pie, sans s’en apercevoir, il s’est pris à l’aimer, et que la première puissance de l’amour, c’est l’amour lui-même. De son côté, le stratagème de Fernando a réussi. Ferdinand, informé de l’appui redoutable que le parti libéral vient de conquérir, rappelle Chiaramonte, le ministre inévitable des troubles populaires, et le mariage de Fernando