Page:Revue de Paris - 1835 - tome 23-24.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
62
REVUE DE PARIS

çàetlà, entre toutes les bibliothèques, et ce qui est plus triste, entre tous les bibliophiles de l’Europe.

J. Janin.

C’est un misérable métier en vérité que celui d’homme de lettres, soit qu’on l’exerce comme faiseur, soit qu’on le fasse comme jwgeur, ou, si vous voulez, soit qu’on s’appelle romancier ou bien qu’on se nomme critique. Des deux côtés il y a de cruelles tribulations. Le romancier a la critique à subir ; la critique a le romancier à endurer. Il y a tant de satires dans certains feuilletons, tant de niaiseries dans certains livres, que c’est à faire reculer les plus braves. Cependant le livre a besoin du feuilleton pour grandir, et le feuilleton a besoin du livre pour exister. Feuilleton et livre ne s’en détestent pas moins j livre et feuilleton ne s’en caressent que plus. Proposez au livre de paraître sans qu’aucun feuilleton s’en occupe, et le livre se désespérera ; proposez au feuilleton de fournir ses huit colonnes par semaine sans avoir un livre à dépecer, et le feuilleton se tiendra pour mort.

Souvent « ous nous sommes demandé si entre ces deux existences, si nécessaires l’une à l’autre, il ne pourrait pas y avoir autre chose que ces mauvais sentimens ; si cette chose ne pourrait pas être un peu moins d’importance de la part de la critique, et de la part du livre un peu moins de révolte contre le plus léger reproche qu’un lui adresse. Peut-être que si la critique ne lorgnait pas insolemment le livre à travers une lunette qui rapetisse, le livre ne passerait pas effrontément sous le nez de la critique, le chapeau sur l’oreille, et sans avoir l’air de la connaître.

Si nous mettons ces réflexions en avant du jugement que nous allons porter, c’est pour que la critique nous pardonne le b’en que nous dirons du livre de M. Guy d’Agde, et que le livre de M. Guy d’Agde nous pardonne les reproches que nous pourrons lui faire. Ceci posé, nous allons commencer.

Et d’abord il n’y a dans son livre rien de ces plats réchauffés de la cuisine italique ; point de mer Méditerranée qui caresse amoureusement la plage, point de nuits pures étoilées et calmes, et surtout point de ciel bleu. Il n’y a de bleu, dans le livre de M. Guy d’Agde, que les yeux de son héroïne ; et je trouve, pour ma part, que c’est déjà une preuve de goût que d’avoir enfermé la passion italienne, cette passion d’ordinaire tannée au soleil, et qui brûle sous des cheveux d’ébène et dans des yeux noirs, de l’avoir enfermée, dis-je, dans une tête blonde, et sous une peau blanche. J’avoue que dès l’abord j’ai aimé sa Julia. Et vous allez voir