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REVUE DE PARIS

jouissent (le leur fief harmonieux, savourant sans partage les douceurs de la mélodie italienne, comme Metternich savoure les parfums de ce vin blanc fameux dont le clos vaut un petit royaume, et dont il est le bachique despote.

C’est charmant ! Oui, sans doute, pour les dileltanii ; mais pour les journalistes ? Comment trouveront-ils des aventures à conter ? Uiront-ils que la fouie assiège le Théâtre-Italien, que deux portiers ont été suffoqués, la garde forcée, la salle envahie ? Non, tout se passe dans un ordre désespérant. La salle est tous les jours comble ; les corridors, le foyer, donnent asile aux amateurs qui jouissent du droit d’entrée ; la foule fashionable est mariée avec le Théâtre-Italien, et cette lune de miel s’écoule sans intrigue, mais non sans plaisir. Les journalistes sont forcés d’accepter la condition de la camériste d’une très jolie et très honnête femme ; point de profits ccUa domietta, col cavalière. Que dis-je ? ils n’ont pas même la satisfaction de diriger ces annonces suffisamment connues des lecteurs de journaux, dont le refrain obligé ramène ces phrases spirituellement tournées : Ce spectacle nejyeid manquer d’attirer la foule ; le pnbUc s’est donné rendez-vous pour entendre l’élite des chanteurs italiens ; l’affiche est d’une attrayante variété ; recette forcée ; ce spectacle pique vivement la curiosité, etc. Toutes ces ruses du métier, ces réclames de directeurs sont d’une complète inutilité pour les Italiens. Quelquefois pourtant on remarque des places vides aux plus beaux endroits d’une si belle salle. Ce petit inconvénient n’a d’autre cause que l’honnête liberté dont nous a dotés la charte revue et corrigée. Il est dit dans je ne sais quel chapitre de cette môme charte, qu’un amateur ne sera point forcé de venir occuper la place qu’il a payée, qu’il pourra même oublier de fournir un remplaçant sans encourir le blâme des directeurs, ayant délivré quittance des sommes versées à leur caisse. Vival viva la libertà ! Ce qui n’empêche pas de dire : viva l’ilaritàî Sommes-nous libres ! Il nous est loisible d’exprimer notre contentement de toutes les manières, et d’adopter la version de deux régimes différens.

Quand je vous aurai dit que Lablache, Tamburini, Rubini, sont des chanteurs merveilleux, dos acteurs excellens, que leurs moyens d’exécution ont la même puissance, et que leur talent nous montre chaque s(tir de nouvelles perfections, je ne vous aurai rien appris. La grande scène ù’Anna Bolcna, le boléro de i Puritani, font connaître les progrès que notre jjrima donna a faits depuis six mois. Frédéric Lablache, fils de notre primo basso cantante, comico, tragico, tonante, a fait ses premières armes dans la Sonnambula ; il avait peur ; quelqu’un tremblait ])lus que lui : c’était ce brave Lablache, père tendre autant qu’il est bouffon quand il représente Geronimo. Frédéric Lablache est un fort bel homme de dix-neuf ans, taille de cuirassier ; sa voix n’a pas encore la vigueur qu’elle doit acquérir ; mais elle est gracieuse et flexible, il sait la conduire avec art, il est à bonne école, et son père peut lui donner beaiicoup en avancement d’hoirie. L’indisposition (ie Uuhini a