Page:Revue de Paris - 1835 - tome 23-24.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
92
REVUE DE PARIS

dessous de leur dignité de s’occuper des détails et des individualités, qui font cependant mieux juger une époque que le récit de dix batailles ou les protocoles de vingt congrès. Les écrivains qu’on vient de nommer ne donnent donc pas le moindre renseignement sur la représentation des moralités, et l’on n’en peut trouver dès lors que dans le texte même de ces ouvrages, en rapprochant et en comparant l’indication des jeux de scène. Ils se contentent de nous apprendre que les bazochiens causaient des scandales qui ne restaient pas impunis, puisque, à plusieurs reprises, et notamment le 14 août 1442, ils furent mis en prison pour huit jours au pain et à l’eau. Tantôt maltraités par des grands, qui ne voulaient pas qu’on les jouât, tantôt encouragés par d’autres puissances qui s’amusaient de leurs critiques, ou les dirigeaient contre leurs ennemis, ils se maintinrent tant bien que mal jusqu’au règne de Louis XII, qui fut leur âge d’or. Loin de réprimer leur verve, ce prince leur donna pleine licence, cr se plaignant, dit Bouchet, que personne ne lui vouloit dire la vérité, ce qui étoit cause qu’il ne pourroit savoir comment son royaume étoit gouverné. Il permit les théâtres libres. Il voulut que sur iceux on jouât et vitupérât librement les abus qui se commettoient tant en sa cour comme en son royaume. » Le bon sire poussa même a longanimité jusqu’à nepas exiger qu’on l’épargnât lui-même ; et pour donner une preuve positive de sa protection aux bazochiens, il leur permit d’établir, toutes les fois qu’ils le voudraient, leur théâtre dans la salle de la table de marbre, au palais de justice, ce qui prouve encore que leur matériel ne devait pas être fort considérable. Quelques-unes de ces moralités, comme celle de l’Homme pécheur, étaient assez étendues, bien qu’elles le fussent beaucoup moins que les mystères ; mais elles ne comprenaient en général que cinq, huit ou dix personnages, et l’action fort simple n’exijreait aucun changement de scène ou de décors. De ce nombre sont le mauvais Pàche et le ladre (le lépreux), le Caro, mundus et dœmonia, l’Enfant prodigue, le Dialogue d’un patjsan et d’un tavernier. Plusieurs catalogues classent aussi, parmi ces moralités, un Sermon de la vie de saint Ognon ; « et comment Nabuzarden, le maître queux (cuisinier), le fit martyrer, avec les miracles qu’il fait