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REVUE DE PARIS

le mauvais riche puni par son avarice, c’est la Villageoise qui aima mieux avoir la tête coupée par son père que d’être violée par son seigneur, « faicte à la louange des honnêtes filles ; » c’est un empereur qui, ayant fait décapiter saint Valentin devant lui, pendant qu’il est à table, s’étrangle avec un os et est immédiatement emporté par le diable. Les clercs eurent d’abord un grand succès, par la raison toute simple que, des vertus qu’ils préconisaient, Ja charité n’était pas celle qu’ils se piquaient d’observer le mieux, et parce qu’ils s’arrangeaient de manière que le public attachât des noms propres à leurs personnages allégoriques. Ce qui contribuait encore à leur succès, c’est que, auteurs et acteurs tout à la fois, ils donnaient à leurs représentations une chaleur et un mordant que ne pouvaient offrir les jeux liturgiques des confrères. Dans le principe, ils ne jouaient que trois fois par an : 1o le jeudi après les Rois ; 2o à la plantation du mai dans la cour du Palais ; 3o à la montre ou calvacade, dans laquelle le roi de la bazoche passait ses sujets en revue. Ils représentaient également quelques scènes aux entrées des princes. Mais quand ils eurent inventé les moralités, ces représentations devinrent beaucoup plus fréquentes, sans qu’on puisse toutefois leur assigner des époques fixes. Bien qu’ils élevassent plus particulièrement leur théâtre aux halles, qui était le forum et le cirque de l’époque, ils n’avaient point d’endroit attitré ; et cet établissement si nomade donne à croire que leur mise en scène n’était ni bien étendue, ni bien compliquée. C’est ce dont ne se sont nullement occupés les Lacroix du Maine, les Duvcrdier, les Desfontaines, les Levacher de Charmois, les Beauchamp, les d’Aubignac, ni aucun des écrivains qui croyaient avoir écrit l’histoire du Théâtre-Français, quand ils avaient ressassé quelques généralités banales et copié quelques lambeaux des mystères et des moralités, qu’ils ne distinguent souvent pas même les uns des autres. Les frères Parfait eux-mêmes, dont on ne peut nier que l’ouvrage n’offre une critique et des investigations plus éclairées, gardent le même silence sur ces points si importuns pour la connaissance de l’histoire dramatique : tombant ainsi par avance dans le malheureux système de ces historiens politiques du xviie siècle, qui trouvaient au