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REVUE DE PARIS.

« La grille, quoi qu’on pût faire, ne pouvait s’ouvrir que du dehors.

« Nous étions scellés à jamais dans la tombe.

« J’aurais encore bien des choses à dire ; mais l’obscurité de plus en plus me gagne. La mèche ne donne plus qu’une faible lueur rouge ; elle pétille, elle fume, elle s’éteint ! Que d’horribles heures cependant m’attendent encore !… Je n’y vois plus, je ne sais plus ce que je trace… Ô vous qui me lisez, détournez vos regards de mon malheur ! Oh ! donnez-moi seulement une prière et une larme ! »

Suivaient quelques mots encore, mais tout-à-fait illisibles.

Puis au hasard, beaucoup plus loin et perdu parmi les feuillets blancs du calepin, M. d’Argenson trouva encore ceci tracé en grosses lettres et dans le plus grand désordre. Il fallait deviner plutôt que lire :

« Je n’ai pour mesurer le temps que mon imagination et mes souffrances. Peut-être y a-t-il déjà plusieurs jours que je suis enfermé dans ce cachot, en proie aux tortures de la faim, — supplice horrible !

« Il me semble que j’ai dans la poitrine une troupe d’animaux dévorants, qui la ronge et la broie à plaisir.

« Mes mâchoires se crispent et se serrent ; je ne puis prononcer une parole.

« Je suis si exténué, que mes doigts ne peuvent tenir le crayon que je viens de reprendre pour essayer d’écrire encore quelques phrases malgré les ténèbres.

« Ô mon Dieu, quand donc la pensée m’aura-t-elle quitté avec la vie !

« Ô mon Dieu, que je souffre !… »

Le crayon ensuite n’avait plus laissé qu’une trace informe, comme si la main, tremblante, épuisée, avait coulé sur le papier, entraînée par son propre poids.

Il est à croire que le pauvre Adolphus ne survécut pas longtemps à ce dernier effort.

Lorsque M. Voyer d’Argenson eut achevé de déchiffrer ces dernières paroles, cette dernière plainte de l’infortuné neveu de maître Jean d’Anspach, Suzanne, qui avait observé les diverses impressions qui s’étaient peintes tour à tour sur son visage, lui dit en souriant : — Que lisez-vous donc là de si terrible, que vous êtes tout ému, monseigneur ?