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REVUE DE PARIS.

— Je lis, ma belle pythonisse, une épouvantable histoire pleine d’angoisse et d’agonie, une histoire de gens morts de faim, et qui pourtant ne fréquentaient pas l’Hélicon.


XVIII.


Ce ne fut que dans l’après-midi que revint l’estafette expédiée au roi par M. d’Argenson.

Huit heures et plus s’étaient écoulées entre l’intervalle du départ et du retour, et ces huit heures trop rapides, au gré de M. le lieutenant, ne lui avaient paru que quelques doux instants passés dans une ravissante compagnie.

Il est vrai qu’après la lecture faite du calepin du malheureux neveu de maître Jean, il s’était mis aux pieds de sa captive et n’avait plus cessé de l’entourer des soins les plus empressés, et de lui donner toutes les marques d’admiration et de sympathie que peut imaginer la courtoisie la plus raffinée.

Suzanne s’était défaite peu à peu de sa première rudesse ; elle recevait les propos galants et les témoignages affectueux de son admirateur d’une façon moins dédaigneuse ; elle avait senti sans doute qu’il y avait plus à perdre qu’à gagner à la rébellion. — Il est si facile à la beauté de changer des chaînes en guirlandes de fleurs.

Une partie de la matinée s’était ainsi passée délicatement dans les joyeux devis et dans les plaisirs expansifs de la table ; rien ne favorise davantage les doux propos et les jeux de l’esprit. M. d’Argenson avait fait improviser un déjeuner fort agréable et fort mignon, et vraiment assez somptueux pour n’être composé que des ressources culinaires d’un village.

Comment Suzanne eût-elle pu résister à de si aimables manières, à de si nobles attentions ? Cette dernière circonstance, je veux dire celle du déjeuner, avait contribué surtout à ramener la cruelle.

La réponse du roi qu’avait apportée le messager était brève et positive.

« Bonne prise ! sa majesté y disait-elle. — Faites mettre au Donjon tous ces chercheurs d’or, et faites mettre tout cet or dans ma cassette ; il servira à payer la pension de nos magiciens, et subviendra aux frais de la nouvelle guerre que je prépare. — La chose sera tenue cachée. Laissez ces cadavres dans leur tombeau naturel, et