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entrée sur l’Océan. Sauf les phoques, qui doivent être des gens routiniers, et, sans doute, faisaient déjà leurs délices d’habiter sur ces roches, tout cela était désert. Qu’eût pensé le pauvre franciscain, si, par une fente ouverte sur l’avenir, il avait pu apercevoir, se faisant vis-à-vis sur la baie, ces deux puissantes cités, San-Francisco et Oakland, avec leurs faubourgs, leurs chemins de fer, leurs télégraphes, leurs clochers et les immenses bacs à vapeur qui vont de l’une à l’autre, remuant lourdement les eaux laiteuses ?

Pendant ce temps, on souffrait cruellement à San-Diego : les provisions attendues n’arrivaient pas ; sans doute, le navire qui les apportait avait fait naufrage. Le Père Serra assembla son conseil, et la retraite vers Loreto fut décidée. Mais le lendemain, au jour levant, on aperçut enfin la voile tant désirée et les projets de marche en avant furent repris. Une nouvelle expédition, partie le 16 avril, découvrit enfin la baie de Monterey : elle était bien telle que Vizcaino l’avait décrite cent soixante-sept ans plus tôt. Le 3 juin, la mission de San-Carlos fut fondée : un presidio, situé à peu de distance, devait la protéger. Des Indiens se trouvaient là. « Effrayés par les décharges de mousqueterie, ils s’abstinrent pendant quelques jours de prendre contact avec les blancs. Mais bientôt ils s’approchèrent, confiants, et furent amicalement reçus[1]. »

Quand la nouvelle de cette fondation parvint à Mexico, le 10 août 1770, elle y causa un grand enthousiasme ; un Te Deum fut chanté, le canon tonna et le marquis de Croix, vice-roi en exercice, reçut solennellement les félicitations de ses administrés, comme si le nombre de toutes les Espagnes se fût trouvé accru par le fait.

Monterey devint bien vite le centre et le point de ralliement des établissements espagnols. Des expéditions nombreuses en partirent dont l’une, en 1772, remonta jusqu’à la vallée de Sacramento. Enfin, le Père Serra résolut de gagner la baie de San-Francisco. Le 17 juin 1776, sous la conduite des Pères Palou et Cambon, une petite caravane quittait le rivage. « Il y avait, dit la chronique, sept colons mariés et dix-sept dragons également mariés avec beaucoup d’enfants et commandés par

  1. Hittell, History of San Francisco.