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sur la côte de californie

Don José Moraga. » Les laïques s’installèrent dans un presidio improvisé et peu après les religieux inauguraient leur mission. Le 1er juin 1777, on y baptisait les premiers convertis. « Ils ne savaient guère d’espagnol et pouvaient seulement répéter, après le prêtre, les noms des trois personnes de la sainte Trinité et des saints et nommer les mystères : ils récitaient les prières de chaque jour et s’agenouillaient devant la croix et les images. Cela était considéré comme suffisant[1]. » Il n’y avait aucune instruction. Seuls quelques enfants destinés au sacerdoce apprenaient à lire. Le plus grand nombre des Indiens demeuraient dans l’ignorance. On les appelait « gente sin razon », par opposition aux Espagnols réputés « gente de razon ». Il paraît qu’ils n’étaient pas à l’abri du fouet et qu’un long bâton, terminé par une pointe de fer, servait à réveiller leur pieuse ardeur quand ils s’endormaient à l’église ; mais, en règle générale, ils étaient bien traités, ce qui explique comment beaucoup d’entre eux acceptaient cette vie monotone et sans saveur.

Au lever du soleil, la cloche tintait pour la messe obligatoire. Puis venaient le déjeuner et le travail jusqu’à onze heures ; les femmes mariées en étaient seules exemptes. Trois heures de repos occupaient le milieu du jour et le travail reprenait jusqu’à l’office du soir. Comme distractions, les fêtes religieuses et peut-être d’innocentes récréations dont il serait curieux de connaître le détail. Le plus envié des plaisirs devait être de prendre part à l’expédition qui, presque chaque année, poussait jusqu’aux premières rampes de la Sierra Nevada, dans le but de faire des recrues. On mettait en avant les plus convaincus et les plus fidèles des nouveaux convertis : c’était à eux de persuader leurs frères indiens. Quelques troupes suivaient. La rencontre n’était pas toujours pacifique ; à plusieurs reprises, il y eut du sang versé. On appelait cela : ir a la conquista.

Le Père Palou, qui voit naturellement les choses en beau, écrit dans son journal : « Nous avons baptisé aujourd’hui trois enfants nés ces derniers temps d’un gentil et de trois sœurs qu’il avait épousées. Et, non content d’avoir trois femmes,

  1. Hittell, History of San Francisco.