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peur des recoins obscurs. Bancroft estime qu’en 1830 il y avait quatre mille blancs en Californie, et qu’en 1846, à la veille de la conquête, ils étaient environ dix mille.

Les troubles commencèrent en 1829. Le ranchero Solis, ancien convict, groupa quelques soldats dont la solde était en retard ; il y eut un petit combat près de Santa Barbara, une de ces batailles honnêtement inoffensives où l’on brûle beaucoup de poudre et à la suite desquelles on publie un grand nombre d’ordres du jour. En 1836, une sérieuse tentative d’émancipation força le Mexique à reconnaître pour gouverneur le chef du mouvement insurrectionnel, Alvarado. On prévoyait déjà que les États-Unis entreraient bientôt en scène. Cette même année 1836, le Texas s’était révolté. — Dans la nuit du 6 mars, 170 Texiens assiégés depuis onze jours dans l’église de l’Alamo par 4.000 Mexicains avaient péri jusqu’au dernier. Santa Ana, vainqueur, avait fait amonceler leurs corps sur un bûcher monstrueux et avait froidement contemplé la flamme qui les dévorait. De ces cendres immortelles la République texienne était sortie. Mais on savait qu’elle ne durerait pas. À Washington, l’annexion du Texas était décidée, en principe, même au prix d’une guerre avec le Mexique. Aussi une frégate américaine croisait-elle sur les côtes de Californie : son commandant devait, à la première nouvelle des hostilités, débarquer et prendre possession du pays en arborant le drapeau étoilé.

Entre temps, le nombre des Américains augmentait. Des négociants de l’Est, gens entreprenants, quelques-uns fort distingués, s’étaient établis aux environs de Yerba Buena, le minuscule petit village qui allait devenir San Francisco. Dans la vallée de Sacramento, il y avait tout un « settlement » d’aventuriers ou, comme l’on disait, de « pionniers », et parmi eux, quelques impatients qui s’avisèrent un beau jour de peindre un ours sur un drapeau en manière d’armoiries et de proclamer une République indépendante. On rapporte à ce sujet une anecdote assez typique. Ces néo-républicains, désireux de se procurer quelque otage de marque, descendirent pompeusement à Sonoma, le bourg voisin, pour s’emparer du général Vallejo qui y vivait tranquillement en militaire devenu planteur. Le général reçut fort bien ses