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LA REVUE DE PARIS

la terre où je m’appuie, et que surchaufferait à cette heure le toujours même soleil éternel…

Bien entendu, cela passe vite, s’efface comme un caprice d’enfant, dès le plein retour de la vie. Et, sans bouger encore, je m’amuse à examiner les détails de la demeure, tandis que des souris, malgré ces deux chats en sentinelle, font le va-et-vient tranquillement à mes côtés.

La toiture en roseaux qui m’abrite est soutenue par des nervures de palmes ; — mais où donc les ont-ils prises, puisque leur île est sans arbres et ne connaît guère d’autre végétation que celle des herbages ?… Dans ce réduit, qui n’a pas un mètre et demi de haut sur quatre mètres de long, mille choses sont soigneusement accrochées : des petites idoles de bois noir, qu’emmaillottent des sparteries grossières ; des lances à pointe de silex éclaté, des pagaies à figure humaine, des coiffures en plumes, des ornements de danse ou de combat, et beaucoup d’ustensiles d’aspect inquiétant, d’usage à moi inconnu, qui semblent tous d’une extrême vieillesse. Nos ancêtres des premiers âges, lorsqu’ils se risquèrent à sortir des cavernes, durent construire des huttes de ce genre, ornées d’objets pareils ; on se sent ici au milieu d’une humanité infiniment primitive et, dirait-on, plus jeune que la nôtre de vingt ou trente mille ans.

Mais, quand on y songe, tout ce bois si desséché de leurs massues et de leurs dieux, à quelle époque peut-il remonter et d’où leur est-il venu ?… Et leurs chats, leurs lapins ?… Je veux bien que les missionnaires les leur aient amenés jadis. Mais les souris qui se promènent partout dans les cases, personne, je suppose, ne les a apportées, celles-là !… Alors, d’où arrivent-elles ?… Les moindres choses, dans cette île isolée, soulèvent des interrogations sans réponse ; on s’étonne qu’il puisse y avoir ici une faune et une flore.

***

Quant aux habitants humains de l’île de Pâques, ils sont venus de l’Occident, des archipels de Polynésie ; cela ne fait plus question.

D’abord, ils le disent eux-mêmes. D’après la tradition