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sorte de marche funèbre alanguie, féminine et chrétienne. Dans la pensée de l’auteur, c’est là un de ces tableaux, où il se plaît à dessiner les figures du drame avant de les faire parler. Mais malgré lui, c’est bien plutôt encore un flot de pure musique, où son âme souriante et mélancolique s’abandonne à sa chanson intérieure. Parfois cette âme, d’une séduction naïve et subtile, rappelle celle de Mozart ; mais la fermeté religieuse de Bach vient toujours dominer, diriger l’harmonieuse rêverie. — Même les pages où le sentiment dramatique est le plus intense sont de belles symphonies, comme le Miracle dans la Transfiguration, ou la Maladie de Lazare. Il y a dans ce dernier morceau une profondeur de souffrance émouvante. Certainement, la douleur ne va pas plus avant chez Bach et c’est ici la même délicatesse de main, la même sérénité dans le désespoir. Peu de pages aussi belles dans la musique entière. C’est l’âme qui parle à l’âme.

Et quelle joie à la fin de ces actes de foi, quand Jésus a guéri le possédé, ou que Lazare rouvre les yeux à la lumière ! Le cœur d’une foule déborde en actions de grâces enfantines, ingénues. Cela semble d’abord d’expression un peu vulgaire ; mais n’est-ce pas ainsi qu’est la joie de Beethoven, la joie de Mozart, la joie de Bach, la joie de tous les grands artistes, qui, leurs soucis jetés, savent s’amuser comme le peuple ? Et la simple phrase du début prend bientôt plus d’ampleur, les harmonies s’enrichissent, une sève ardente bouillonne, et un puissant choral se mêle aux danses, avec une éclatante majesté.

Toutes ces œuvres rayonnent d’une facilité bienheureuse. Et l’admiration s’augmente, quand on pense que la Passion a été terminée en septembre 1897, la Transfiguration en février 1898, Lazare en juin 1808, et la Résurrection du Christ en novembre 1898. Une telle abondance nous ramène aux musiciens du xviiie siècle.

Mais ce n’est pas le seul trait de ressemblance du jeune maître avec ses grands devanciers. Combien de leur âme est passée dans la sienne ! Ce style est fait de tous les styles, depuis le chant grégorien jusqu’aux modulations les plus modernes. Tous les matériaux sont employés à l’œuvre. Ceci est un trait italien. D’Annunzio jette dans la fonte d’où sor-