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LES ROMANS DE LA GRENADE


LE FEU[1]




Elle s’humilia, eut honte d’elle-même. Depuis ce jour, en chacun de ses actes, elle implora silencieusement le pardon et l’oubli.

Alors parut naître en elle une grâce neuve. Elle se fit plus légère, parla bas, marcha dans la maison à pas discrets, se vêtit d’étoffes calmes, voila sous l’ombre des cils ses beaux yeux qui n’osaient pas regarder son ami. La crainte d’être à charge, de déplaire, d’ennuyer, lui donna les ailes de la divination. Sa sensibilité, toujours en éveil, fut aux écoutes et aux aguets devant la porte inaccessible des pensées. À de certaines heures, elle parvint à sentir dans son pouls battre le rythme de cette autre vie.

Son âme, appliquée à créer un nouveau sentiment capable de vaincre les violences de l’instinct, révéla sur son visage par des indices merveilleux la difficulté de cette tâche secrète. Jamais son art parfait n’avait trouvé d’expressions si singulières, ni jamais, de l’ombre de ses traits, n’étaient nées des significations si obscures. Un jour, en la regardant, Stelio lui parla de la puissance infinie qui se recueille dans l’ombre produite par le casque sur le visage du Pensieroso.

— Michel-Ange, dit-il, dans une petite cavité de son

  1. Voir la Revue des 1er, 15 mai, 1er, 15 juin et 1er juillet.