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LA REVUE DE PARIS

Et elle revit son image et son nom sur les murailles contaminées par la lèpre des affiches, sur les tableaux promenés à la ronde par les porteurs hébétés, sur les ponts gigantesques des fabriques, sur les portières des véhicules, en haut, en bas, partout.


— Tiens ! regarde ! une branche d’amandier ! L’amandier est fleuri dans le jardin du couvent, au second cloître, près de la grotte du pin vénéré… Et tu le savais !

Stelio accourait, joyeux comme un enfant, suivi par le capucin souriant qui apportait un bouquet de thym.

— Tiens ! regarde, quel miracle !

Tremblante, elle prit la branche et ses yeux se voilèrent de larmes.

— Tu le savais !

Il aperçut entre les cils de son amie la lueur soudaine, quelque chose d’argenté et de tendre, une humidité lumineuse et fluide qui rendit le blanc de l’orbite semblable aux pétales des fleurs. Alors, dans toute la personne de l’amante, il aima éperdument, les stries délicates qui rayonnaient du coin des yeux vers les tempes, et les petites veines sombres qui rendaient les paupières pareilles à des violettes, et l’ondulation des joues, et le menton effilé, et tout ce qui ne pouvait plus refleurir, toute l’ombre répandue sur ce passionné visage.

— Ah ! mon père, — dit-elle avec une apparente gaieté, en réprimant son angoisse, — le Poverello ne va-t-il pas pleurer en paradis pour cette branche cassée ?

Le père sourit avec une malicieuse indulgence.

— Quand ce bon seigneur, répondit-il, a vu l’arbre, il ne m’a pas donné le temps d’ouvrir la bouche. Il avait déjà sa branche dans la main, et j’ai pu dire seulement amen. Mais l’amandier est riche.

Il était placide et affable, avec sa couronne de cheveux presque tous noirs encore autour de la tonsure, avec son visage olivâtre et fin, avec ses grands yeux fauves qui resplendissaient, limpides comme des topazes.

— Voici le thym qui embaume, — ajouta-t-il, en offrant les petites herbes.