Page:Revue de Paris - 1900 - tome 4.djvu/421

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
415
LE FEU

On entendait un chœur de voix juvéniles qui chantaient un répons.

— Ce sont les novices. Nous en avons quinze.

Et il accompagna les visiteurs jusqu’au pré qui s’étendait derrière le couvent. Debout sur la digue, au pied d’un cyprès fendu par la foudre, le bon franciscain montra d’un geste les îles fécondes, célébra leur abondance, dénombra les espèces des fruits, loua les plus exquises selon la saison, indiqua du doigt les barques faisant voile vers le Rialto avec les verdures nouvelles.

Laudato si, mi signore, per sora nostra matre terra ! — dit la femme à la branche fleurie.

Le franciscain fut sensible à la beauté de cette voix féminine. Il se tut.

De hauts cyprès entouraient la prairie pieuse ; et quatre d’entre eux, les plus vieux, portaient la marque de la foudre, étêtés et sans moelle. Immobiles étaient les cimes, seules formes ressortant sur la nappe unie des terres et des eaux qui s’égalisaient à la ligne de l’horizon. Pas la moindre bave de vent ne ridait le miroir infini. Les fonds algueux transparaissaient comme de clairs trésors ; les roseaux palustres brillaient comme des verges d’ambre ; les sables émergés imitaient le chatoiement de la nacre ; la vase simulait la mollesse opaline des méduses. Un enchantement profond comme une extase béatifiait le désert. La mélodie des créatures ailées continuait encore dans les régions invisibles ; mais il semblait qu’elle fût près de s’apaiser enfin dans la sainteté du silence.

— À cette heure, sur les collines de l’Ombrie, — dit celui qui avait blessé l’amandier claustral, — chaque olivier a près de son pied, telle une dépouille, sa botte de branches taillées ; et l’arbre semble plus doux parce que la botte cache la force des racines tordues. Saint François passe au milieu de l’air et, avec son doigt, calme la douleur dans les plaies faites par la serpe.

Le capucin se signa et prit congé.

— Loué soit Jésus-Christ !

Les visiteurs le regardèrent s’éloignant sur les ombres que jetaient les cyprès dans la prairie.

— Il a trouvé la paix, — dit la Foscarina. — Ne te semble-