Page:Revue de Paris - 1901 - tome 1.djvu/414

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vite. Ils restaient là, sur le carré, tous les deux. Kemp parlait précipitamment, la défroque ridicule de Griffin toujours sur le bras. Pourtant Adye commença bientôt à saisir quelque chose de la situation.

— C’est un fou, dit Kemp. C’est une brute. C’est l’égoïsme personnifié. Il ne voit rien que son intérêt propre et son salut. Il m’a exposé, ce matin, tous ses projets égoïstes et brutaux… Il a blessé des gens ; il en tuera d’autres, si nous n’arrivons pas à le prévenir. Il soulèvera une panique. Rien ne peut l’arrêter. Le voilà maintenant lancé, furieux…

— Il faut l’attraper, — déclara le colonel. — C’est évident.

— Oui, mais comment ? — s’écria Kemp, la tête soudain pleine d’idées. — Il faut vous y mettre tout de suite. Il faut y employer tout ce que nous avons d’hommes valides. Il faut l’empêcher de quitter le district : une fois sorti de là, il pourrait courir à travers tout le pays, selon son caprice, tuant l’un, estropiant l’autre. Il rêve je ne sais quel règne de la terreur ! de la terreur, je vous dis !… Il faut établir une surveillance dans les gares, sur les routes, dans les ports. Il nous faut l’aide de la garnison : vous allez télégraphier pour qu’on nous envoie du renfort. La seule chose qui puisse le retenir ici, c’est le désir de ravoir certains livres de notes qu’il regarde comme très précieux. Je vous parlerai de cela !… Il y a un homme au poste, un nommé Marvel…

— Je sais, je sais. Ces livres… oui. Mais le gaillard…

— Dit qu’il ne les a point. Mais l’autre est persuadé qu’il les a… L’autre, il faut que vous l’empêchiez de manger et de dormir ; jour et nuit, il faut que tout le pays soit debout contre lui. Il faut que partout les vivres soient mis en sûreté, sous clef. Tous les vivres, pour qu’il soit obligé d’en prendre de force. Il faut que partout les maisons soient barricadées contre lui… C’est le ciel qui nous donne des nuits froides et de la pluie. Il faut que tout le pays se tienne sur pied pour une battue générale. Je vous répète, Adye, que c’est un danger, un fléau ; tant qu’il ne sera pas bouclé et en lieu sûr, c’est effrayant de penser à tout ce qui peut arriver.

— Que pouvons-nous faire de plus ? demanda le colonel. Il faut que je descende tout de suite et que je prenne mes