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avec un projet qui impliquait l’usage d’une arme. Quel était ce projet, nous ne le savons pas, mais, pour moi du moins, il est évident, d’une évidence écrasante, qu’avant même de rencontrer Wicksteed, il avait en main la tige de fer.

Naturellement, nous ne pouvons rien savoir des détails de cette rencontre. Elle advint sur le bord d’une sablonnière, à moins de deux cents mètres de la porte principale du parc de Lord Burdock. Le sol piétiné, les blessures nombreuses reçues par M. Wicksteed, sa canne brisée, tout indique une lutte désespérée ; mais le motif de l’attaque, si ce n’est pas un accès de frénésie meurtrière, il est impossible de l’imaginer. Vraiment, la version de la folie est à peu près inévitable.

M. Wicksteed, intendant de Lord Burdock, était un homme de quarante-cinq ou quarante-six ans, d’apparence et d’habitudes inoffensives, le dernier au monde qui fût capable de provoquer un si terrible adversaire. Il semble que l’homme invisible se soit servi contre lui d’une tige de fer arrachée à une clôture brisée. Il arrêta cet homme qui rentrait paisiblement chez lui pour l’heure du repas ; il l’attaqua, il paralysa ses faibles moyens de défense, il lui cassa le bras, il le renversa et lui réduisit la tête en bouillie.

Évidemment, il devait avoir, avant de rencontrer sa victime, emprunté cette tige à quelque clôture ; il devait la tenir toute prête à la main. Deux détails seulement, en outre de ce qui a déjà été établi, semblent se rapporter à l’affaire. Le premier, c’est que la sablonnière n’était pas sur le chemin que devait suivre M. Wicksteed pour rentrer directement chez lui, mais presque à deux cents mètres en dehors. Le second, c’est la déclaration d’une petite fille qui, en allant à la classe du soir, vit le malheureux « trottant » d’une façon particulière, à travers un champ, dans la direction de la sablonnière. La pantomime de cette enfant suggère l’idée d’un homme poursuivant quelque chose qui fuit devant lui, par terre, et sur quoi il tape à coups redoublés avec sa canne. Elle était la dernière personne qui eût vu Wicksteed vivant. Il n’échappa à ses regards que pour aller à la mort : la lutte ne fut cachée aux yeux de l’enfant que par un bouquet de hêtres et une légère dépression de terrain.

Et cela, pour moi du moins, classe décidément le meurtre