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puis se reprenait à pousser des cris. Cela devait être bien étrange. Elle approcha en traversant un champ de trèfle, puis elle s’éteignit du côté des collines.

Dans l’intervalle, l’homme invisible dut apprendre quelque chose du parti que son ami Kemp avait rapidement tiré de ses confidences. Il aura trouvé, sans doute, des maisons fermées à clef, en sûreté ; il aura traîné autour des gares, rôdé autour des auberges ; et, sûrement, il aura lu les affiches et se sera fait une idée de la campagne entreprise contre lui. Comme la soirée s’avançait, il vit poindre dans les champs, de-ci, de-là, des groupes de trois ou quatre hommes, il entendit l’aboiement des chiens. Ces chasseurs d’hommes avaient des instructions particulières, au cas d’une rencontre avec l’ennemi, sur la façon de se prêter main-forte. Mais Griffin les esquiva tous. Il nous est loisible d’imaginer son exaspération, augmentée encore de l’idée que lui-même avait fourni les renseignements dont on faisait usage contre lui sans aucun scrupule. Pour ce jour-là, du moins, il perdit courage ; pendant près de vingt-quatre heures, excepté lorsqu’il se retourna sur Wicksteed, il fut un homme traqué. Pendant la nuit, il dut manger et dormir ; car, le matin du jour suivant, il se retrouva lui-même, actif, redoutable, furieux et méchant, tout prêt pour la dernière bataille qu’il devait livrer au monde.


XXVII

LE SIÈGE DE LA MAISON DE KEMP


Kemp lisait une étrange missive, écrite au crayon sur une feuille de papier graisseuse.

« Vous avez été prodigieusement énergique et habile, — disait cette lettre, — mais je n’arrive pas à comprendre ce que vous avez à y gagner. Vous êtes contre moi. Pendant tout un jour, vous m’avez pourchassé ; vous avez essayé de me voler une nuit de sommeil. Malgré vous, j’ai trouvé à manger ; malgré vous, j’ai pu dormir, et la partie ne fait que