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LE PROBLÈME RUSSE

fouet mongols régissent cet empire des herbes et des sables, qui s’étend de la Muraille chinoise — et parfois même des rivages coréens — jusqu’à la forêt du Dniéper. Durant plus de deux siècles, toute la plaine découverte est foulée par le galop du conquérant : c’est une ruée incessante d’orient ou occident, avec des remous, des contre-courants et de l’écume sanglante. Réfugiée dans sa clairière, la nation russienne est rançonnée, massacrée, emmenée ou réduite en esclavage, aussi loin que les cavaliers et les barques peuvent remonter. En même temps, sur son autre façade, du côté de l’Europe, elle est en proie aux chevaliers et pirates occidentaux : le schisme byzantin a semé la haine entre les deux christianismes ; le Russien orthodoxe est devenu un mécréant pour les fidèles de Rome, les catholiques de Pologne, de Lithuanie, d’Allemagne et de Scandinavie.

Polonais, Lithuaniens, Allemands et Scandinaves remontent les fleuves et rivières baltiques. C’est le temps où Tectoniques et Porte-Glaive — ces Templiers de l’Allemagne •— jalonnent de leurs châteaux-forts les vallées et rivières qui à travers la Livonie et l’Esthonie — les Allemands disent encore : « les provinces allemandes » — mènent jusqu’aux portes de Pskof et de Novgorod. Et c’est le temps où les Lithuaniens, au long delà Duna et du Boug, en contournant par le nord et par le sud l’impénétrable forêt du Pripet, entament la Russie-Blanche, soumettent la Petite-Russie et, par leur union avec la Pologne (i386), transmettent au catholicisme polonais la tyrannie de cette terre orthodoxe et de sa vieille métropole de Kief.

Entre les deux sabreurs catholique et mongol, la terre russe tout entière est partagée : sur le bas Dniéper, à travers la Petite-Russie supprimée, leurs armées sont au contact ; sur le haut Dniéper, à travers la Russie-Blanche et la Grande-Russie ravagées, leurs têtes de colonnes s’affrontent. Et la nation russienne tout entière menace d’être tiraillée par l’apostasie entre le catholicisme et l’Islam. Seuls, les Grands-Russiens peuvent se maintenir dans le quadrilatère que dessinent et que protègent un peu les fossés de l’Oka, du haut Dniéper et de la haute Duna. Protection bien précaire, si faible que le grand-prince de Moscou doit reconnaître la