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LA REVUE DE PARIS

résigna, donc et constitua un cabinet Nubar pour exécuter les volontés anglaises. Mais il ne suffisait pas de décider sur le papier l’évacuation ; il fallait la réaliser et ce n’était pas une tâche facile, principalement à Khartoum, capitale du Soudan, où se trouvaient beaucoup de troupes, et de nombreuses maisons de commerce appartenant aux Européens. Le général Gordon fut chargé, le 18 janvier 1884, d’accomplir cette mission périlleuse, qui exigeait autant de tact et d’habileté que de courage.

Tout le monde connaît la tragique histoire de ce Gordon, héros mystique, martyr du devoir, et victime de l’indifférence de ceux qui avaient fait appel à son dévouement sans bornes. Après une année de luttes continuelles contre les innombrables hordes qui l’entouraient et contre une partie de la population elle-même, trahi par des misérables qui livrent les portes de la ville, il se voit, le 26 janvier 1885, aux premières heures du jour, cerné dans le palais du gouvernement et bientôt il tombe sous le fer des assassins. L’armée de secours, dont il réclamait vainement la venue depuis des mois, apparut devant Khartoum le 28 janvier, deux jours trop tard pour sauver Gordon. Son chef, apprenant que la ville était prise et Gordon massacré, jugea inutile d’engager les hostilités et reprit la route de l’Égypte.

À la suite de ces événements, le cabinet de M. Gladstone annonça officiellement à la Chambre des communes, le 11 mai 1885, que la frontière de l’Égypte était ramenée à Ouadi Halfa, à la deuxième cataracte du Nil.

On a cru voir dans cette grave détermination le résultat d’un calcul profond et vraiment machiavélique. Les Anglais auraient fait partir les Égyptiens du Soudan, afin d’y prendre leur place à l’heure favorable. Les entreprises dirigées par eux, quelques années plus tard, vers l’Ouganda et l’Équatoria semblent donner quelque consistance à cette version. J’ai, pour ma part, beaucoup de peine à admettre une politique aussi compliquée. Le cabinet britannique a simplement reculé, j’imagine, devant une tâche très difficile, dont il n’apercevait pas les avantages immédiats. Les populations soudanaises étant incapables de se constituer en un État solide et durable, il pouvait nourrir l’espoir que le mouvement fanatique s’étein-