Page:Revue de Paris - 1905 - tome 2.djvu/677

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
675
FACHODA

gouverneur, engagée sur un terrain mal connu, fut taillée en pièces. Quelques mois plus tard, le 7 juin 1882, 6 000 hommes, commandés par Yussuf Pacha, éprouvèrent le même sort, dans les mêmes lieux. Dès ce moment la puissance du mahdi était fondée. L’insurrection s’étendit rapidement sur de vastes régions. Mohammed, confiant dans ses forces, alla mettre le siège devant El-Obéid, centre du Kordofan, tandis que ses lieutenants obtenaient des avantages en divers points, au Darfour, au Sennaar, au Bahr-el–Ghazal.

L’année 1883 fut désastreuse pour les Égyptiens : El-Obéid, Bara, capitulèrent ; le mahdi se dirigea sur Khartoum pour s’en emparer. Le nouveau gouverneur du Soudan, Abd-el-Kader, compta quelques succès partiels après lesquels il fut remplacé, on ne sait pourquoi, dans son commandement. Une armée de 10 000 hommes fut formée à Khartoum et placée sous les ordres du colonel anglais Hicks, officier brave et instruit. Encouragé par les premières escarmouches, il résolut, à la fin d’avril, de livrer une bataille décisive. À la tête de toutes ses forces, il se mit en marche le 9 septembre, avec l’intention de débarrasser le Kordofan et de reprendre El-Obéid. Épuisée par un trajet des plus pénibles, harcelée par de continuelles attaques, trompée par les émissaires de Mohammed, l’armée arriva le 5 novembre à Khasghil, où elle se trouva tout à coup enveloppée par les bandes du mahdi, qui en firent un affreux carnage. Quelques centaines d’hommes à peine s’échappèrent ; Hicks et tous ses officiers furent massacrés ; l’artillerie entière et les munitions tombèrent aux mains de l’ennemi. Dans le Soudan oriental, Osman Digma, principal lieutenant du mahdi, remportait d’éclatants succès et le 4 février 1884 anéantissait une colonne de renfort de 4 000 hommes, envoyée du Caire.

Ces deux victoires donnèrent au mahdi une puissance et un prestige extraordinaires. Le gouvernement britannique jugea que la répression de la révolte entraînerait trop de sacrifices et, pliant devant l’orage, il décida l’évacuation complète du territoire. Le Khédive refusa d’abord de s’y prêter ; ses ministres donnèrent même leur démission, plutôt que d’encourir une semblable responsabilité. Toutefois, livré à ses seules forces, Tewfik ne pouvait tenter rien de sérieux ; il se