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FACHODA

souleva une grande émotion dans le Parlement français. MM. Étienne, Deloncle, Delafosse s’en firent les interprètes à la Chambre des députés, le 7 juin 1894. M. Hanotaux, ministre des Affaires étrangères, établit à la tribune les saines doctrines. Après avoir rappelé qu’aux termes des traités internationaux et des firmans, le Sultan seul aurait eu le droit de disposer du Soudan, il formula cette déclamation catégorique : « La France, s’appuyant sur le fait que la convention anglo-congolaise est en contradiction manifeste avec les principes, les doctrines, le texte de l’acte de Berlin, qu’elle atteint ou menace l’intégrité de l’empire ottoman, la France, dis-je, considère cette convention comme contraire au droit et, jusqu’à plus ample informé, comme nulle et de nulle portée à ses yeux. » Un ordre du jour d’approbation fut voté à l’unanimité. Non content de cette vigoureuse protestation, M. Hanotaux adressa au cabinet de Londres et au ministre du Congo les plus expresses réserves.

Deux mois plus tard, le 14 août 1894, par un arrangement direct avec l’État indépendant, nous nous substituions à lui sur la rive gauche du Nil, dans les conditions fixées par l’acte du 12 mai. Cette convention ne pouvait évidemment nous créer de droit absolu, puisque le Sultan n’avait pas abdiqué sa souveraineté sur ces contrées et que, fidèles à nos principes, nous serions obligés de nous retirer devant lui s’il venait à reparaître. Mais elle avait le grand avantage de nous garantir du côté de l’Allemagne et de l’Angleterre, la première ayant renoncé au profit de la seconde et la seconde au profit de l’État du Congo. Nous avions donc la certitude, si nous y mettions quelque diligence, d’être « premier occupant » par rapport à toute autre nation. Mais il ne faut pas perdre de vue que notre droit restait précaire et conditionnel, en ce sens qu’il devrait s’évanouir dans le cas où le Sultan, soit par lui-même, soit par son délégué le Khédive, tenterait de reprendre le Soudan.

Tel est le point de vue duquel il faut considérer l’expédition organisée par le gouvernement français dans le but d’explorer nos possessions éventuelles et d’y faire reconnaître notre autorité provisoire. Le seul tort que nous eûmes alors fut de ne pas donner à nos intentions une suffisante notoriété. Le demi-