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LA REVUE DE PARIS

silence que nous gardâmes put faire naître l’impression que nous avions des desseins fort supérieurs à la réalité et que nous méditions une sorte de conquête définitive, comme si une mission de deux cent cinquante hommes pouvait avoir pareille prétention ! À vrai dire, l’attitude du cabinet britannique n’a pas facilité les épanchements de notre part. Avant même qu’une marche eût été esquissée vers le Nil et tandis que M. Liotard, directeur du Haut-Oubanghi, se bornait à installer de modestes postes dans le Bahr-el-Ghazal, le gouvernement anglais, qui n’avait aucun droit de s’y opposer et qui, d’après les conventions du 12 mai et du 14 août 1894, pouvait le prévoir, crut opportun de faire entendre à notre adresse un langage comminatoire. Le 28 mars 1895, à la Chambre des communes, Sir Edward Grey, sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, ayant à discuter une motion relative à nos soi-disant « empiètements sur le Haut-Nil », commença par rappeler les traités conclus en 1890 et 1891 avec l’Allemagne et l’Italie. Ces traités, d’après lui, n’avaient soulevé d’objection nulle part[1] et avaient porté à la connaissance des autres puissances la sphère d’influence réservée à la Grande-Bretagne. Quant aux revendications de l’Égypte, « dont nous sommes, dit-il, les tuteurs, elles sont hautement reconnues par la France, en sorte que les sphères d’influence anglaise et égyptienne[2] couvrent ensemble tout le cours du Nil. Cette opinion découle logiquement, continua-t-il, de ce qui s’est passé depuis un certain nombre d’années et de ce qui a été connu du monde entier depuis deux années. » Venant ensuite aux rumeurs mises en circulation, au sujet d’une expédition française qui se dirigerait de l’ouest de l’Afrique vers le Nil, Sir Grey engagea ses auditeurs à n’y pas ajouter foi légèrement et il termina par ces paroles peu diplomatiques :

J’irai plus loin : après toutes les explications dans lesquelles je suis entré relativement à nos prétentions fondées sur des arrangements

  1. La convention de 1890, qui seule nous intéressait, ne nous avait pas été communiquée officiellement.
  2. Sir Grey avait dit — du moins les comptes rendus lui ont fait dire — « la sphère d’influence anglaise » seule ; il a rectifié par une lettre au Times le Ier avril et a ajouté « égyptienne » ainsi que le mot « ensemble » qui en était la conséquence logique.