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polonais. Enfin, à la lueur des événements dont Varsovie et ses environs devenaient le théâtre, l’évidence se faisait à leurs yeux que, domptées, contenues, mais toujours frémissantes, ces provinces polonaises restaient, pour la puissance politique et militaire de leur pays, une cause permanente de faiblesse, voire même de péril.

Autant pour prévenir des velléités insurrectionnelles que pour obéir aux vices de son organisation militaire et aux lenteurs de sa mobilisation, le gouvernement russe a constitué, en territoire polonais, un vaste camp retranché, qui abrite quatre corps d’armée aux effectifs renforcés. C’est assurément, c’était du moins avant les désastres de Mandchourie, un appareil formidable. Il peut être reconstitué ; mais au témoignage des autorités les plus compétentes, son efficacité extérieure a dépendu jusqu’ici des éventualités mêmes que sa présence doit conjurer à l’intérieur du pays. Rendu à peu près impossible en temps de paix, un soulèvement polonais demeurait et demeure probable, pour ne pas dire certain, en cas d’une guerre qui engagerait les troupes de la région. Et il aurait assurément pour effet non seulement de les immobiliser, mais d’entraver et de compromettre gravement l’entrée en action des autres forces de l’empire.

Ce danger est devenu tellement sensible dans ces derniers temps qu’en divers milieux russes, politiques et militaires, il a déterminé un mouvement en faveur de l’abandon pur et simple d’une base stratégique aussi aléatoire. Des voix se sont élevées pour soutenir l’opportunité de donner aux provinces polonaises mieux que l’autonomie, — l’indépendance entière. Derrière les marais de Pinsk, pensait-on, les armées russes trouveraient une ligne de défense et un point de concentration moins menacés. Rendu à lui-même, le pays riverain de la Vistule formerait tampon entre la Russie et l’Allemagne. Enfin, au cas assez vraisemblable où les territoires abandonnés deviendraient la proie du voisin occidental, celui-ci y rencontrerait les mêmes difficultés, et, selon l’expression d’un publiciste de Saint-Pétersbourg, au moment d’une mobilisation, « les trains militaires allemands risqueraient à leur tour de sauter ».

Il est superflu d’insister sur l’importance de risques ainsi