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— Presque aussi ennuyeux que d’épouser Dillworth !

Et tous deux se mirent à rire de bon cœur, tout au plaisir de leur intimité soudaine.

Elle regarda la pendule :

— Mon Dieu ! il faut que je parte. Il est cinq heures passées.

Elle s’arrêta devant la cheminée, et s’examina dans la glace tandis qu’elle ajustait son voile. La pose mettait en valeur la ligne allongée de ses hanches fines, qui donnait une sorte de grâce sauvage à sa silhouette, — comme d’une dryade captive apprivoisée à la vie conventionnelle des salons ; et Selden songeait que c’était la même pointe de liberté sylvestre qui prêtait tant de saveur à tout ce qu’elle avait d’artificiel.

Il la suivit jusqu’à l’antichambre ; mais sur le seuil elle lui tendit la main en geste d’adieu.

— J’ai passé une heure charmante ; et maintenant vous serez obligé de me rendre ma visite.

— Mais ne voulez-vous pas que je vous accompagne à la gare ?

— Non, disons-nous au revoir ici, je vous prie.

Elle laissa sa main, un instant, dans celle de Selden et lui adressa un adorable sourire.

— Au revoir, alors… Et bonne chance, à Bellomont ! — dit-il en ouvrant la porte.

Elle s’arrêta, un moment, sur le palier et regarda tout autour d’elle. Il y avait mille à parier contre un qu’elle ne rencontrerait personne, mais on ne savait jamais, et elle expiait toujours ses rares inconséquences par un violent retour de prudence. Il n’y avait personne en vue toutefois, rien qu’une femme de ménage qui récurait l’escalier. Sa forte personne et les ustensiles qui l’environnaient occupaient tant de place que Lily, pour la dépasser, dut rassembler ses jupes et frôler le mur. Cependant la femme interrompit son ouvrage et leva les yeux avec curiosité, appuyant ses poings rougis sur le torchon mouillé qu’elle venait de tirer du seau. Elle avait un visage large et blafard, légèrement marqué de petite vérole et des cheveux clairsemés, couleur de paille, au travers desquels son crâne luisait désagréablement.

— Je vous demande pardon, — dit Lily, avec l’intention de marquer par sa politesse le sans-gêne de l’autre.