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Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/559

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LA REVUE DE PARIS

ton nom. — Dis-moi mon nom ? dit le mât. — « Celui qui conduit la grande déesse sur son chemin », est ton nom. — Dis-moi mon nom, dit la voile. — Nouit (le ciel) est ton nom »… — « Quand on sait ce chapitre, on entre aux Champs Élysées, on y reçoit des pains, des breuvages, on y mange de Forge et du blé de 7 coudées de haut que moissonnent les serviteurs d’Horus… et l’on sort des Champs Élysées dans toutes les formes qu’on désire » (chap. xcix).

Après une invocation aux Esprits de l’Orient et de l’Occident, le défunt entre au Paradis, dont les vignettes nous montrent les champs fertiles, encore en friche ou couverts de moissons gigantesques ; un fleuve y trace des méandres ; le soleil et l’eau, partout épandus, fertilisent inépuisablement la terre (chap. cx). Il n’y a là ni reptiles, ni poissons suspects, ni rien d’abominable. Les élus « s’asseyaient mollement au bord de l’eau, à l’ombre toujours verte des grands arbres, et respiraient la brise fraîche du Nord. Ils péchaient à la ligne au milieu des lotus ; ils montaient en barque et se faisaient tirer à la cordelle par leurs serviteurs ou parfois ils daignaient prendre eux-mêmes la pagaie et se promener lentement sur les canaux ; ils chassaient l’oiseau dans les fourrés ou se retiraient sous leurs kiosques peints pour y lire des contes, pour y jouer aux dames, pour y retrouver leurs femmes toujours jeunes et toujours belles[1]. »

D’après les conceptions les plus anciennes, le mort coupait ses loisirs de quelques travaux : il tenait les cornes de la charrue attelée de deux bœufs, sciait le blé à la faucille, arrachait par poignées les tiges de lin. Une des formules du Livre le dispensa de ces labeurs faciles : on la disait sur une de ces statuettes en bois ou en terre vernissée qui se retrouvent par milliers dans les nécropoles. Elles représentent un homme debout, le corps serré dans la gaine des momies ; les mains ramenées sur la poitrine présentent, comme un soldat au port d’armes, le boyau, la bêche, le sac à grains, indispensables aux travaux des champs. C’était l’image des serviteurs que tout homme, même le plus pauvre, pouvait évoquer dans l’autre monde ; on les appelait les « répondants » (oushaibtïou) parce qu’ils

  1. G. Maspero, Histoire, I, p. 194, d’après les vignettes du Livre des Morts.