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Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/566

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LE LIVRE DES MORTS

enivré de liberté et avide de savoir, se révolta contre son Père, à l’instigation du serpent et de la femme. M. Lefébure voit quelque chose de semblable à l’histoire d’Adam et du paradis terrestre dans une scène du monde infernal représentée au tombeau de Ramsès VI (vers 1 200 av. J.-C.) et sur un cercueil saïte du Louvre. « Là un personnage viril se tient debout devant un serpent à deux jambes et à deux bras qui lui offre un fruit rouge, ou tout au moins un petit objet rond peint en rouge. » L’arbre de vie et de science est connu en Égypte ; un des chapitres les plus anciens du Livre, « celui de donner au mort la connaissance divine », invite le défunt à se poser, comme un oiseau, sur le beau sycomore aux fruits de vie : « quiconque se tient sous lui, est un dieu ». La révolte des hommes contre le Créateur était un fait indiscutable pour les Égyptiens : un récit nous en est parvenu dans les tombeaux des rois thébains (1 500-1 200 av. J.-C.). C’était à la fin des temps du dieu Râ ; le dieu convoque au conseil ses premiers-nés, Shou et Tafnouit, Seb et Nouït, et leur dit : « Voici : les hommes, qui sont nés de moi-même, prononcent des paroles contre moi. Dites-moi ce que vous ferez à ce sujet. J’ai attendu et ne les ai pas tués avant de vous avoir entendus. » Le conseil est d’avis de détruire tous les hommes : Râ charge de ce soin sa fille Hâthor, qui pendant plusieurs jours massacre les hommes et piétine dans leur sang, ivre de meurtre : elle aurait tout exterminé ; mais le dieu, pris de pitié, arrêta le carnage par un stratagème. Sept mille cruches furent emplies de mandragores macérées dans le sang des hommes ; la boisson, répandue sur les champs, trompa la déesse : « elle se mit à boire à satiété et ne vit plus les hommes. ». Quelques survivants de l’humanité vinrent alors offrir au Créateur de combattre les derniers rebelles ; ce furent les dernières victimes. Râ conclut une alliance avec les hommes et leur pardonna en ces termes : « Vos péchés vous sont remis ; le meurtre (des rebelles) écarte le meurtre (de tous les hommes) ; de là viennent les sacrifices. » M. Naville, qui le premier traduisit ce texte, en a bien montré l’intérêt : l’idée qui a conduit à l’institution du sacrifice est la même que chez les Hébreux ou chez les Grecs[1]. Le meurtre des coupables, puis

  1. Éd. Naville, Religion des anciens Égyptiens, 1905, p. 183.