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Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/569

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LA REVUE DE PARIS

la balance, en contrepoids de la Vérité, ce Cœur de ma mère » lui disait-il, cœur de ma naissance, cœur que j’avais sur la terre, ne t’élève pas en témoignage contre moi ; ne sois pas mon adversaire devant les puissances divines ; ne pèse pas contre moi… ; ne dis pas : voilà ce qu’il a fait, en vérité il l’a fait… ; ne fais pas surgir des griefs contre moi devant le grand dieu de l’Occident. » Ainsi « l’accusateur le plus terrible de l’homme, c’est celui dont personne ne saurait contester les affirmations, lui-même : c’est son propre cœur, qui sait trop bien que cent fois il a contrevenu à cette loi morale qu’il connaît parfaitement[1] ».

La loi morale, dont la pratique assurera aux hommes l’expiation, peut se résumer en un précepte : « pratiquer la Justice : faire le Vrai ». La mission de l’homme sur terre est de racheter la faute originelle ; il y parviendra s’il se souvient de ses origines célestes. Le dieu, disent les textes liturgiques, crée la Vérité, vit de Vérités, n’est que Vérité. L’homme respectera les lois de la nature et de la conscience : agir autrement, faire œuvre d’égoïsme, de violence, d’injustice, c’est altérer l’œuvre du Créateur. L’injuste ou le vicieux oublie qu’il n’est qu’une parcelle du divin dans le divin total ; il dérange l’ordre de l’Univers ; il « n’est pas dans le Vrai ». Le juste continue l’œuvre du Créateur ; en pratiquant la charité, la fraternité, la justice, il assure l’ordre commun et comprend l’harmonie universelle. Après la mort, son destin sera de jouir sans obstacle de la Vérité : « Ceux qui ont pratiqué la justice lorsqu’ils étaient sur terre et qui ont lutté pour leurs dieux, sont convoqués au séjour de la Joie du monde, pays où l’on vit de justice. Leurs actions justes leur sont comptées en présence du dieu grand, destructeur de l’iniquité, et Osiris leur dit : À vous la justice, justes ; unissez-vous à ce que vous avez fait, dans la condition de ceux qui m’accompagnent au palais de l’Esprit saint. Vivez de ce dont ils s’alimentent ; soyez possesseurs des libations de votre bassin : il est tout entier rempli de justice[2]. »

Le jour du jugement est donc le grand jour de la destinée humaine. Dies iræ, dies illa ! « On apportera le livre qui renferme tout ce qui doit servir au jugement du monde, et rien

  1. Ed. Naville, la Religion des anciens Égyptiens, p. 183.
  2. Lefébure, Sphinx, VIII, 39. Comparez le Gorgias de Platon.