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Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/571

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LA REVUE DE PARIS

agit mécaniquement à la façon d’un exorcisme, sans que le défunt ait besoin d’avoir vécu justement ?

Sans doute, pour la grande majorité des fidèles, le Livre restait un recueil de formules magiques ; mais la conscience des fautes commises et la préoccupation du Jugement y éclatent trop souvent pour que nous puissions penser que les gens instruits gardaient beaucoup de confiance dans les seules ressources de la sorcellerie. À chaque phrase, il semble qu’on entende l’écho du Dies iræ : « Moi, malheureux, que dirai-je alors ? qui prierai-je d’intercéder pour moi, quand à peine le juste sera rassuré ? » Nous ne pouvons douter que plus les siècles s’écoulaient, plus les Égyptiens devenaient scrupuleux et inquiets ; mais dans quelle religion l’éveil de la conscience a-t-il supprima la pratique des indulgences ? La doctrine de la grâce ne s accommode-l-elle pas de la foi au salut par les œuvres ?

Au recto d’un papyrus datant des premières années de notre ère, un conte moral nous est parvenu où l’idée du Jugement prend un développement significatif. Sénosiris, un enfant prodige, magicien né, entraine son père Satmi aux enfers et lui fait visiter les sept grandes salles des demeures d’Osiris. Avant d’entrer, ils avaient croisé le cortège funèbre d’un riche somptueusement enseveli et le corps d’un pauvre diable roulé dans une natte sordide et que nul n’accompagnait. Dans la sixième salle de l’Hadès, les dieux pèsent les méfaits : « Celui dont ils trouvent les méfaits plus nombreux que les mérites, ils le livrent à Amaït, la chienne du maître de l’Occident ; ils détruisent son âme et son corps et ils ne lui permettent plus de respirer jamais. Celui dont ils trouvent les mérites plus nombreux que les méfaits, ils ramènent parmi les dieux et son âme va au ciel. Celui dont ils trouvent les mérites équivalents aux fautes, ils le placent parmi les mânes qui servent (sous la terre) Sokarosiris.

Lors, Satmi aperçut un personnage de distinction, revêtu d’étoffes de fin lin et qui était proche l’endroit où Osiris se tenait, dans un rang très relevé. « Mon père Satmi, dit Sénosiris, ne vois-tu pas ce haut personnage ? Ce pauvre homme que tu vis emmené hors de Memphis sans que personne l’accompagnât et qui était roulé dans une natte, c’est lui ! On le conduisit à l’Hadès, on trouva ses mérites plus nombreux