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Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/572

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LE LIVRE DES MORTS

que ses méfaits et comme, au temps de vie inscrit à son compte, ne correspondit pas une somme de bonheur suffisante, on ordonna par-devant Osiris de transférer le trousseau funèbre de ce riche que tu vis emmener hors de Memphis avec force honneurs à ce pauvre homme que voici, puis de le mettre proche l’endroit où Osiris se tient. Ce riche que tu vis, on lui trouva ses méfaits nombreux plus que ses mérites qu’il eut sur terre ; on ordonna de le payer dans l’Hadès, et tu l’as vu à la porte de l’Hadès, le pivot de la porte planté sur son œil droit, roulant sur cet œil soit qu’on ferme ou qu’on ouvre, tandis que sa bouche pousse de grands cris… Celui qui fait le bien sur terre, on lui fait le bien ici ; mais celui qui fait le mal, on lui fait le mal[1]. »

Une parabole semblable commente dans l’Évangile selon Saint-Luc[2] le sort du mauvais riche, brillé dans l’enfer, tandis que Lazare repose après la mort dans le sein d’Abraham : « Souviens-toi, dit Abraham au mauvais riche, que tu as reçu tes biens pendant la vie et que Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant, il est ici consolé, et toi, tu souffres… »

Les justes trouvaient leur vraie récompense dans la libération de la condition humaine. Soustraits aux contingences et aux erreurs de la vie terrestre, ils achevaient leur destinée en se perdant dans le divin qui ne connaît et ne réalise que le Vrai et le Juste. C’est là, me semble-t-il, le sens profond de cette expression énigmatique « sortir au jour », « se manifester dans le jour » per m harou, titre et résumé du Livre des Morts. L’âme du juste pouvait à son gré habiter ou quitter la tombe et es paradis, redescendre sur terre, se mêler aux vivants, voguer au ciel dans la barque des dieux, se fondre dans le soleil, visiter les astres, prendre la forme d’un homme, d’un dieu, d’un animal, d’une plante ou d’un objet quel qu’il fût. Elle essayait la vie sous tous ses aspects pour mieux se confondre avec le vaste monde. Le juste rentre dans le sein du dieu créa-

  1. G. Maspero, les Contes populaires de l’Égypte ancienne, 3e édit., p. 134-138.
  2. xvi, 19.