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la mode et dans la couture ; Paris aussi apprêtait sa parure, sa magnifique et charmante parure du printemps. Sous les averses légères, les giboulées, les pluies bienfaisantes, le renouveau se préparait, et, rompant l’écorce, les bourgeons apparaissaient tout serrés et roulés en cocons.

Et tout à coup, surprenant comme un visiteur venu de nuit, il fut là, le printemps, dans sa grâce, dans sa fraîcheur, dans l’éclat presque oublié de sa jeunesse riante. Les feuilles, toutes les feuilles à la fois s’étaient ouvertes, pareilles à de petits éventails, et s’agitaient, semblant dire : « C’est la vie, nous sommes dans la vie… » Et les fleurs nouvelles s’épanouissaient, heureuses, chatoyantes, lançant le gai tumulte de leurs couleurs variées, formant les guirlandes et les trophées de cette fête dont elles étaient l’emblème.

L’air léger frémissait, chargé de parfums, et, toute nacrée par la clarté du ciel, la Seine coulait douce et luisante, coquette, onduleuse et jolie ; elle glissait sous les ponts qui rejoignaient entre elles deux rives fortunées.

Puis la fête devint plus belle encore, plus riche, plus fastueuse ; du haut en bas des marronniers, par milliers et par milliers, s’allumaient, en un incomparable décor, des candélabres roses et des candélabres blancs, et, sous l’immense coupole étincelante et d’un bleu profond, couchée, noyée de rayons, la ville s’offrait comme une amoureuse, parmi ses bouquets de feuillages et de verdure.

Maintenant les jeunes filles paraissaient, chaque jour, rue de la Paix, le corsage embaumé et fleuri, et sur leurs joues et sur leurs lèvres le printemps aussi semblait s’être posé.

Éliane disait à Louise :

— Comment faites-vous pour vivre sans amour, vous que tant de gens voudraient aimer ?

Et quand, le soir, elle voyait tout l’atelier, tous ces chiffons sans beauté s’éparpiller, courir furtives à leurs pauvres rendez-vous, il lui venait au cœur un peu de tristesse…


VII


Il faisait, ce matin-là, un joli temps tout moiré et traversé de bleu et de blanc. Louise arriva au magasin vêtue d’une