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ainsi, la fin de l’illusion ; toutes les visions dont elle s’enchantait, quand le soir la brise légère passait dans ses cheveux, glissait en frôlements d’ailes le long de sa chair, tout menait à cela inévitablement ! Et tous les beaux romans qu’elle avait imaginés, pleins de cavaliers charmants, rêveurs, mélancoliques, voilà de quelle façon ils s’achevaient !

Pauvre Louise ! elle était moins meurtrie dans son corps douloureux que dans son âme effarée, par la révélation de ce mystère brutal et absurde qu’est l’amour.

Et toutes ces petites filles de là-bas qui l’avaient trompée, quand elle les voyait, le soir, s’échapper en liesse, pour se hâter vers ces plaisirs, ces caresses !… Qu’y découvraient-elles donc et comment se pouvaient-elles tant réjouir de cette chose ?…

Louise referma les yeux, pour dormir, pour mourir. Mais la lumière continuait à danser dans la chambre et lutinait la jolie fille. D’impatience, elle se leva, se plongea le visage dans l’eau froide, puis laissa les gouttelettes s’écouler le long de ses doigts et sur sa poitrine.

Cette fraîcheur lui fit du bien, lui rendit le sentiment de sa force, de sa jeunesse, de sa beauté, mit entre elle et le clair matin qui commençait une telle harmonie, si profonde et si aimable, qu’il lui sembla que le jour lui-même se penchait vers elle et la saluait. Et le goût de la vie lui revint.

Elle s’habilla, et quand, vêtue de blanc, elle s’aperçut dans le miroir, éclatante et suave, elle vit bien que rien n’était changé, qu’elle était toujours la petite Louise Kérouall, la plus jolie fille de la rue de la Paix.

Un coup frappé à la porte, et Fernand entra :

— Comment ! déjà prête !

Il paraissait un peu déçu. Puis, devant le fauteuil où elle était assise, il s’agenouilla, et, l’attirant, lui donna de petits baisers mêlés de mots tendres.

— Et toi, — dit-il, — m’aimes-tu un peu ?

Louise sourit, ne répondit pas. Sa beauté lui donnait, comme aux déesses, le droit de garder le silence et de contenter tout de même ses adorateurs. Se laisser aimer était déjà une grâce suffisante.

On convint d’aller se promener. On ne visiterait pas le châ-