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ton père sera si près de la mer qu’il pourra presque l’entendre gronder.

Un vieil ami de la famille, qui habitait Bordeaux, fut chargé de cette affaire.

Cependant l’idée d’être séparé de Louise désolait Fernand. Quoiqu’il l’aimât avec la fougue et l’ardeur qu’il mettait aux choses qui le touchaient, il disait au contraire qu’elle lui donnait une paix, une sérénité délicieuses.

Deux fois oriental de race, par son père et par sa mère, il adorait l’éclat, et cette fille d’une beauté si rare était pour lui un sujet d’orgueil et de joie profonde. Il aurait voulu la parer ainsi qu’une idole, et, comme il avait le goût des pierreries, il lui donnait des bagues si riches qu’elles n’osait les porter.

Elle restait simple malgré tout. Elle n’avait rien changé à ses allures, ni à ses toilettes de petite demoiselle de modes, évitant tout ce qui était voyant et frappait les regards, qu’elle n’attirait déjà que trop : ses succès continuaient. Les élèves de rhétorique du lycée Condorcet, qui la rencontraient presque chaque matin au croisement de la rue du Havre et du boulevard Haussmann, lui envoyèrent un magnifique bouquet, qu’on reçut par tolérance et qui portait cette inscription :

« À mademoiselle Louise, la gloire de la rue de la Paix, ces fleurs de Rhétorique (division C). »

Toutefois l’étrange correspondance dont elle avait été accablée s’était singulièrement ralentie, donnant à penser que le monde interlope de la galanterie possédait une police très sûrement renseignée.

Louise partit à la fin de juillet, en même temps que Félicité et Toussard, qui s’en allaient en Belgique et en Hollande. Elle se sépara très affectueusement de sa tante, cordialement de Toussard, qui avait fini par ne plus croire à une chose dont on ne lui avait jamais reparlé.

Et, en disant adieu à Fernand, sur le quai de la gare, elle lui promit de lui écrire tous les jours.


philippe lautrey
(À suivre.)