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qu’elle les avait un peu oubliés. Ils lui parurent lointains et falots.

On reprit le train pour Arcachon ; on était très heureux, malgré quelque contrainte. Du nouveau, de l’inconnu était entre eux, dont ces gens simples sentaient le malaise. Cependant Louise se montra très gentille, fit de son mieux.

Les petites Kérouall avaient grandi ; la dernière, Marie, ressemblait à sa sœur aînée, la seconde serait tout le portrait de sa mère, une brune piquante, à la façon de Bordeaux.

Le chalet plut beaucoup. On s’y installa avec zèle, sous le jour déclinant, et Jean Kérouall s’en fut, jusqu’à la nuit tombée, regarder cette baie où venaient mourir les grandes palpitations de l’Océan.

Louise vécut des jours paisibles dans la chaleur d’août, le long de ce bassin qui renvoyait les rayons ainsi qu’un miroir. Vers le soir, elle s’en allait sous les pins, qui gardaient un peu de fraîcheur, et elle rêvait aux lendemains obscurs, où l’emportait sa destinée.

Fernand écrivait presque chaque jour. Ses lettres marquaient beaucoup de tendresse, de l’inquiétude et l’impatient désir de la revoir. Lui aussi avait pris quelques jours de vacances ; il était allé en Suisse, dans une station à la mode. Mais, tout près des neiges, à une altitude où nos arbres et nos plantes ne sauraient plus vivre, s’épanouissaient encore les élégances, les exigences de la vie mondaine. Quoiqu’il s’en plaignît, Fernand tout de même subissait le joug dont il prétendait souffrir. Il questionnait Louise sur sa vie, s’informait si là-bas elle n’avait pas trouvé de nouveaux adorateurs. Enfin sa dernière lettre finissait sur ces mots :

Dix jours encore, ma bien-aimée, à traîner ma peine et mon ennui, et puis ce sera le bonheur infini. Je ferme les yeux pour te mieux voir. Je t’aime éperdument.

Les craintes de Fernand n’étaient pas tout à fait vaines, car, même sur cette plage familiale, et malgré la discrétion de ses allures, Louise ne restait pas inaperçue. Un beau brun d’une Espagne indéterminée, mâtinée d’Amérique, logé au Grand-Hôtel, roulait sous un sombrero des regards terribles.

Un soir, il lui fit donner une sérénade à la mode de son pays,