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grands mouvements qui, en ces années, agitèrent les marchés d’Europe et d’Amérique. Et cette fièvre inquiète, qu’il avait connue en des temps moins prospères, devenait comme un stimulant, le coup de fouet qu’il se portait à lui-même. Louise restait encore et toujours sa joie profonde et son orgueil ; il songeait moins à la montrer, à faire d’elle le hochet de sa vanité. Les grandes affaires auxquelles il prenait part le mettaient dès lors bien assez en vue.

Au moment de Pâques, il demanda à Louise de l’accompagner à Bruxelles, où la maison Epstein avait une succursale. Pendant leur rapide séjour dans la ville brabançonne, ce fut un tumulte, un envahissement de courtiers, de commis, de gens de Bourse, tandis que les lignes télégraphiques en émoi transmettaient sans cesse de nouveaux messages ; de sorte que la pauvre Louise, dans un salon du Grand-Hôtel, se sentait tout effarée et perdue au milieu de cette ville inconnue, de ce mouvement dont elle entendait la rumeur et la houle.

Vers le soir, Fernand pouvait enfin s’échapper, être un peu à elle. Il la conduisit à cette place de l’Hôtel-de-Ville où les maisons des corporations, Bouchers, Bateliers, Charpentiers, aux façades richement sculptées, dorées et ornées d’emblèmes, proclament la richesse antique et l’orgueil de cette cité marchande. Puis ils allèrent, en une rue étroite et sombre, dîner dans un endroit d’apparence sordide et de grand renom.

Le dimanche de Pâques, ils visitèrent les jardins, s’égarèrent dans le bois de la Cambre, furent champêtres et bucoliques, et lorsque le lendemain le train les ramenait vers Paris, ils firent des projets pour les vacances.

— Cette année, — disait Fernand, — je te veux à moi, et je t’emmènerai dans un lieu caché, ignoré des facteurs… Et nous passerons tout le jour étendus dans la mousse au bord des ruisseaux.

— Mon pauvre ami, — répondait Louise, — il y a maintenant des lignes télégraphiques qui montent jusqu’en haut des glaciers, et, bien sûr, il y aura un poteau et un fil auprès de votre ruisseau…

Ce rêve de bonheur eut la durée des nuages qui courent, mais tout de même il avait projeté sa forme sur le ciel.

Et les marronniers refleurirent, s’ornèrent à nouveau de