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XII


Décembre allait finir, entraînant avec lui toute une année, jetée à son tour à l’oubli, au néant. Dans les maisons, les facteurs déposaient les almanachs de l’année qui venait, almanachs tout frais qui se faneraient comme les autres, s’en iraient au rebut, ayant marqué au long des jours de grandes misères et de courtes joies.

Dans les boutiques des fleuristes, inondées de lumière, les corbeilles s’étalaient pleines de plantes rares, orchidées, azalées, rhododendrons, que surmontait quelque nœud géant. Des fantaisies coûteuses, parfois extravagantes, apparaissaient sous forme de pavillons chinois, de cages d’oiseaux, de bateaux matés et gréés, précieusement garnis.

La veille du jour de l’an, comme Louise était allée voir Fernand, il lui offrit un petit carnet de bal Louis XVI en émail bleu, encadré d’une guirlande de roses et décoré d’une miniature qui représentait une scène champêtre.

— Je ne sais que te donner, ma petite Louise, — dit-il un peu tristement. — Tu ne veux pas de bijoux, tu ne m’as pas permis d’organiser ta vie comme je le désirais : voici quelques chiffons de papier, tu les emploieras comme tu voudras.

Ce carnet était gonflé par quarante billets de mille francs, que tenait attachés une magnifique perle montée en épingle. Le baron Fernand Epstein mettait vraiment à lui faire plaisir une grâce ingénieuse et délicate. Et cependant il avait dès lors bien des affaires, bien des soucis.

Le succès donne une griserie dont on ne peut plus se passer, en eût-on même le désir. On s’est livré à la fortune, on lui appartient, et l’on ne sait où elle vous mènera. Chaque jour, Fernand s’abandonnait davantage à cette force mystérieuse et toute-puissante qui jadis s’appela fatalité, et soulevait du même souffle les vainqueurs et les victimes. De nouvelles entreprises sans cesse le sollicitaient, et le courant était trop impétueux et lui semblait trop favorable pour qu’il y résistât.

Des groupes financiers le recherchaient ; il participait aux