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— Tiens, il en pleut, il en vole de toutes parts : tends donc ta jupe, petite fille !… Tout cela se ramasse à terre : pourquoi n’y en aurait-il pas aussi pour toi ?

Et, comme elle se dérobait, il tira un tapis de table, y enveloppa les billets et attacha le tout de deux épingles. Cela ne faisait plus qu’un humble paquet, tel que les pauvres en présentent chaque jour au Mont-de-Piété. Il renfermait peut-être plus de cent mille francs.

— Si tu ne t’en charges pas, — ajouta-t-il, — je le ferai remettre chez toi…

Désormais Fernand vécut dans ce grand coup de vent qui passe, apportant, chassant tour à tour la fortune. Jusqu’ici le vent était propice, et son aile puissante semblait enfler des voiles de navires aux magnifiques cargaisons.

À la fin de juillet, se voyant dans l’impossibilité de quitter Paris, il avait loué une villa sur les hauteurs de Saint-Cloud, pour s’y installer avec Louise. Ce serait leurs vacances, et le petit ruisseau de leurs rêves, ce serait la Seine qui coulait au pied du coteau.

Cependant Louise avait pris huit jours pour aller voir sa famille à Arcachon.


XIII


Louise arriva, un soir, dans la maisonnette de Saint-Cloud. Elle la trouva fraîche et paisible, et tout éventée par les brises. Un perron menait au rez-de-chaussée, et des rosiers, mêlés à des bignonias, habillaient ses murs de leurs grappes blanches et couleur de feu. Des arbres l’entouraient, la couvraient d’une ombre verte. Et, sur le devant, des parterres à la française dévalaient le long de la côte. Ils étaient formés de fleurs rustiques, résédas, verveines, pétunias, mimulus rosés, giroflées, — d’humbles fleurettes si aimables que des refrains de chansons semblaient sortir de leurs clochettes et tinter au vent.

Louise s’assit sur le perron. Un grand silence régnait. Les oiseaux, couchés avec le soleil, dormaient ; elle n’entendait que le bruit tout proche du repas que l’on préparait et du couvert que l’on dressait dans la salle à manger.