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d’aimer les très jeunes gens et de prendre pour les effluves de son âme les épanchements de sa riche santé. Elle est, d’ailleurs, de commerce agréable et fort instruite. Elle vient de me demander si vous n’étiez pas de cette famille bretonne des Kérouall qui donna jadis une maîtresse au roi Charles II d’Angleterre. Je n’avais pas pensé à la similitude du nom… Faites-moi songer à vous raconter l’histoire de cette favorite, dont je me rappelle très bien le portrait, conservé à Hampton Court, près de Londres.

» Bonsoir, mademoiselle de Kérouall ! — ajouta-t-il, en saluant profondément.


XVII


Louise connut alors des jours heureux. Sans cesse le train de vie de la petite ville d’eaux la ramenait auprès du docteur, et il lui témoignait un goût, un empressement, dont la flatterie délicate la ravissait. Il l’emmenait en promenade dans les environs, l’accompagnait parfois dans les courses pédestres qui faisaient partie du traitement, et très souvent l’invitait à dîner avec lui.

Le plus beau temps du monde avait jusqu’ici mis autour d’eux son rayonnement et sa joie. Mais, un matin, il se gâta. Pendant deux jours il plut ; une pluie fine et serrée, infatigable, posa ses rayures grises sur le paysage, et des brumes semblables à des lambeaux d’étoffe pendirent du ciel, bornant l’horizon, le faisant petit comme un îlot perdu dans l’infini des eaux. Et durant ces deux jours Louise ne vit pas le docteur Lenoël. Elle savait qu’il attendait de nombreuses visites venant des environs, des villes universitaires, des instituts médicaux, elle savait qu’il dînait chez la comtesse de Schœnfels, et puis elle ne savait plus rien et s’en attristait.

Assise à sa fenêtre, elle regardait la nuit, qui s’éclairait un peu et montrait, derrière les nuages chassés par le vent, quelques étoiles craintives qui s’allumaient.

Elle entendit un coup frappé à la porte, et soudain le docteur fut là.