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des peuples étudiés dans leurs costumes, leurs objets d’art et leurs ameublements. J’y ai souvent pensé, mais la vile besogne me tient, je n’en aurai jamais le temps.

— Il faut le trouver, — fit Toussard ; — je vous donnerai des documents. Et quand vous en serez à la France, ne manquez pas de dire que, si Paris a créé les modes, c’est qu’il a toujours eu des femmes sachant les porter.

— Ah ! les femmes de Paris ! — s’écria Vinson avec une mélancolie où palpitaient encore des regrets, — quels chefs-d’œuvre ingénieux, surprenants et bien établis ! Avec leur grâce légère, leur élégance fragile, elles usent chacune plusieurs générations d’hommes. Et si Paris succombait sous je ne sais quelle catastrophe, on rencontrerait errante parmi les ruines la dernière Parisienne, désirable, fraîche et mise en perfection.


XX


Au matin, sous la fine lueur jaune qui coulait du ciel d’automne, Louise s’en alla rue de la Paix. L’air était vif, et, derrière elle, dans un bruissement sec, couraient les feuilles mortes. Elle se plaisait dans ces rues et ces avenues familières, et il lui semblait qu’en passant elle leur laissait voir l’orgueil de son beau secret. Elle jouissait des longs regards qui la suivaient, admirait aux devantures des boutiques, tels des fruits en primeur, les nouveautés groupées avec cet art inimitable, plein de séductions et d’embûches, des étalagistes de Paris.

La rencontre, au magasin, fut cordiale. Chacune rentrait de vacances avec de jolis souvenirs, le teint frais et reposé. On jugea Louise embellie encore et merveilleusement coiffée. Maintenant elle relevait ses cheveux très haut, sur la nuque, à la façon de cette Psyché du musée de Naples à laquelle on lui avait dit qu’elle ressemblait. Aussi bien ces jeunes filles ne se jalousent et ne se détestent que fort exceptionnellement. Réunies constamment par leur emploi, elles n’ont d’ordinaire ni une habitude ni une relation commune, — tandis que pour les femmes du monde la rivalité est sans cesse entretenue, la « société » n’étant qu’une simple et unique estrade où chaque jour il s’agit de lutter, de se réduire, de se détruire l’une l’autre.